Mayotte au bord de l’implosion

Mayotte au bord de l’implosion
13 février 2024 pierre

Mayotte au bord de l’implosion

Mayotte est actuellement en proie à de vives tensions, entraînées par une immigration massive et des problèmes sociaux et pénuriques. Ces derniers ont entraîné de nombreux blocages, barrages routiers et mouvements de contestation de la part de collectifs citoyens qui protestent contre une immigration incontrôlée et une insécurité grandissante. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en déplacement à Mayotte, a annoncé la fin du droit du sol à Mayotte et la fin des visas territorialisés…


• Archipel français composé de deux îles principales (Grande-Terre et Petite-Terre) situé entre Madagascar et le Mozambique.

• Les Comores, composées de trois grandes îles, sont les voisins les plus proches sur une distance totale de 228 km.

• La distance la plus courte avec l’île sud des Comores (Anjouan) est de seulement 70 km, pour un trajet de 3 à 4 heures en ferry.

• La superficie totale de Mayotte est de 374 km2 (moins que la petite couronne parisienne). Elle est entourée d’une barrière de corail qui abrite un lagon et une réserve marine importante, zone économique exclusive avec un parc de pêche de 72.000 km carré. Son potentiel est toutefois trop peu exploité en raison de nombreux dysfonctionnements et une gestion très critiquée par la Cour des Comptes.

• 310 000 personnes vivent à Mayotte, pour un total de 150.000 clandestins (estimation). La population a été multipliée par 8 depuis 1970.

• L’âge moyen se situe autour de 23 ans. 12.000 naissances ont été enregistrées en 2023, 65 à 70% sont de parents étrangers.

• 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté pour un PIB par habitant de 9.300 € : 8 fois plus que pour les Comores, 20 fois plus qu’à Madagascar.

Le taux de chômage s’établit à 34% (chiffres 2022). 80% des enfants suivis par l’Aide sociale à l’enfance sont issus de l’immigration.

  • 310.000 habitants dont 150.000 clandestins
  • 65 à 70 % des naissances sont de parents étrangers (2022)
  • 77 % de la population sous le seuil de pauvreté
  • Population multipliée par 8 en 50 ans

• Mélange de cultures française, comorienne et africaine, la religion majoritaire est l’islam sunnite.

• Mayotte et les Comores ont été achetées par Louis-Philippe au dernier sultan de l’archipel, en échange d’une protection. En 1975, un vote donne l’indépendance aux quatre îles, exceptée Mayotte (où le non l’emporte). Depuis, les Comoriens considèrent que Mayotte aurait dû devenir indépendante en armant que les résultats ne pouvaient pas être considérés individuellement ; c’est la position que défend l’ONU.

• A la suite de l’indépendance des Comores, Mayotte gagne le statut de Département en 2009 et devient collectivité territoriale unique en 2011 (elle exerce à la fois les compétences d’un département et d’une région avec une assemblée délibérante unique). Auprès de l’UE, elle devient une région ultrapériphérique (citoyenneté européenne pour les citoyens sans que la localité ne fasse partie du territoire communautaire). Mayotte est représentée par deux députés et deux sénateurs au Parlement.

Une situation compliquée

Immigration clandestine importante en provenance des Comores. Elle s’est accentuée avec la diérence grandissante des niveaux de vie ces dernières années.

Surpopulation : Avec un taux de croissance annuel de 3,6 % ces dernières années, la densité de population est désormais de 744 habitants/km2 (106 en moyenne sur l’ensemble du territoire français), ce qui met à rude épreuve les infrastructures et les services publics.

Insécurité : L’insécurité est élevée à Mayotte, en particulier en raison des vols et des violences. La délinquance est alimentée par la pauvreté, le chômage, l’immigration et des crises structurelles comme celle de l’eau.

Crise de l’eau : L’augmentation de la population, combinée à des épisodes de sécheresse ces dernières années, entraîne de graves problèmes d’approvisionnement en eau. Des privations d’eau courante obligent les habitants à acheter de l’eau en bouteille, souvent à des prix exorbitants. Les constructions d’un nouveau réservoir et d’une usine de désalinisation traînent et révèlent des problèmes de détournement de fonds publics.

Un État débordé par les violences, l’explosion de la demande d’eau et plus généralement dans tous les domaines. “Un instituteur à Mayotte peut avoir jusqu’à 70 élèves. Il en prend 35 le matin et 35 l’après-midi.”

Des finances publiques qui ne suivent plus : L’immigration clandestine représente un coût important, notamment en raison de la prise en charge des personnes en situation irrégulière. Les moyens déployés ne sont pas à la hauteur de ce qu’il faudrait investir pour stabiliser une situation devenue incontrôlable et pour répondre aux nouveaux besoins que provoque cette transformation profonde de la population.

Opération Wuambushu

L’opération Wuambushu a été lancée le 24 avril 2023 par le ministère de l’Intérieur, avec pour objectifs d’expulser les étrangers en situation irrégulière, de détruire les bidonvilles et de lutter contre la criminalité, en mobilisant 510 policiers et gendarmes venus en renfort des quelques 1.300 fonctionnaires installés10. L’objectif était d’expulser au moins 10.000 sans-papiers, d’interpeller les délinquants violents et de détruire plus de 1.000 logements insalubres. L’opération devait initialement durer deux mois avant d’être prolongée puis pérennisée jusqu’à la fin de l’année 2023.

Les effets escomptés n’ont pas été atteints, d’autant plus que les Comores ont refusé d’accueillir les expulsés et que les personnes renvoyées reviennent. La destruction des bidonvilles a pour sa part mis à la rue les personnes concernées ce qui a eu pour effet d’accentuer la précarité déjà très forte et, par effet de levier, provoqué une hausse de l’insécurité.

L’opération Wuambushu en quelques chiffres : 

  • 1.800 FDO déployées, dont 3⁄4 de gendarmes, principalement des EGM, du GIGN et du soutien ops
  • 600 passeurs arrêtés
  • 60 chefs de bande interpellés
  • 22.000 personnes expulsées
  • 700 bangas détruits

Un fort regain des tensions

Depuis le 22 janvier 2024, Mayotte est secouée par une vague de protestations menées par le collectif “Forces vives de Mayotte”. Exaspérés par l’insécurité et l’immigration clandestine, les manifestants exigent des actions concrètes du gouvernement.

Le mouvement s’est intensifié ces derniers jours, avec des blocages routiers, des manifestations et des échauourées. Le port de Longoni, point d’entrée vital pour l’approvisionnement de l’île, est désormais bloqué, provoquant des pénuries alimentaires et menaçant l’économie et l’activité locale.

L’impact de la crise se fait sentir dans tous les secteurs. Les écoles ferment, les entreprises souffrent et les services publics sont perturbés. La situation est d’autant plus préoccupante que Mayotte se remet à peine d’une sécheresse historique qui a mis à mal ses provisions d’eau.

Le sentiment d’abandon et d’injustice est profond chez les Mahorais. Ils pointent du doigt l’échec des opérations de sécurité, et notamment l’opération Wuambushu, et surtout l’absence de solutions durables à la question migratoire.

La situation à Mayotte est explosive. La paralysie du territoire et la colère grandissante de la population appellent à une réponse urgente et ecace de la part des autorités.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre Gabriel Attal s’est tout d’abord exprimé avant que Gérald Darmanin et Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, ne se rendent à Mayotte pour apporter des réponses concrètes.

Les premières annonces

1/ Inscription de la suppression du droit du sol dans une révision constitutionnelle.

Objectif défini par Gérald Darmanin : réduire l’attractivité de Mayotte.

Ainsi, seuls les enfants nés de parents français pourront obtenir la nationalité française à Mayotte (cette mesure est circonscrite à Mayotte et ne s’appliquera pas au reste de la France).

Le projet de révision constitutionnelle devra cependant être soumis au Parlement ou au référendum pour être adopté, ce qui ne sera pas aisé.

Notons que des spécificités sont tout à fait possibles pour les départements et collectivités d’outre-mer comme le souligne l’article 73 de la Constitution.

2/ Fin des titres de séjour territorialisés :

Les titres de séjour délivrés à Mayotte seront valables sur l’ensemble du territoire français. Il existe un risque de créer un appel d’air en permettant aux personnes détenant un titre de migrer vers la Réunion ou la France métropolitaine.

3/ Application immédiate de la loi immigration :

Objectif : Durcir les conditions d’obtention d’un titre de séjour et de regroupement familial à Mayotte.

Un étranger devra être présent à Mayotte depuis au moins 3 ans pour y faire venir sa famille. Il ne sera plus possible de faire venir sa famille si l’on n’est pas titulaire d’un titre de séjour de 5 ans.

4/ Mise en place d’un “rideau de fer maritime” grâce à l’augmentation des moyens d’interception et de radars pour détecter les migrants en mer.

Celà suppose le déploiement de moyens maritimes et technologiques supplémentaires avec renforcement des patrouilles en mer. Le travail de mise à niveau est colossal, tant les moyens portés jusque-là sont pauvres, comme en témoigne le contrôle budgétaire sur les forces de souveraineté du Sénat.

5/ Opération Wuambushu 2 :

Reprendre l’opération Wuambushu, qui n’a pas eu les effets escomptés, avec “plus de moyens de forces de l’ordre et de justice”.

Des mesures insuffisantes

La fin des titres de séjour territorialisés signifie qu’un titre de séjour obtenu à Mayotte permettra à n’importe quel individu de se rendre en métropole. Autrement dit, les 35.000 étrangers légaux vivant à Mayotte, et disposant d’un titre de séjour territorialisé, auront la possibilité de venir s’installer dans l’Hexagone, une fois la loi Mayotte votée. Le prix d’un vol pour Paris se situe autour des 500 €, soit un montant pouvant être obtenu moyennant quelques mois de travail.

C’est d’autant plus vrai que la restriction de 90 % des titres de séjour dont parle le ministre de l’Intérieur ne sera pas rétroactive. Pour sa part, le regroupement familial ne sera pas définitivement supprimé et deviendra simplement plus contraignant.

D’un point de vue immédiat, ces mesures ne sont pas rétroactives et ne résoudront pas les dicultés que traverse Mayotte aujourd’hui. La très forte nationalité de ces dernières années est la promesse d’une cristallisation de ces dicultés. Les forts mouvements de contestation auxquels l’archipel est confronté ne devraient pas s’arrêter là, et les forces de l’ordre engagées à Mayotte auront un rôle crucial à jouer dans des conditions opérationnelles particulièrement difficiles.


Sources

France Inter, 13/03/2018

Cour des comptes, 21/12/2017

Le Figaro, 12/02/2024

INSEE, 20/10/2023

Le JDD, 11/02/2024

Ministère des Outre-mer

France Inter, 13/03/2018

Vie publique, 24/08/2019

RMC / BFM, 06/10/2023

Ouest France, 08/12/2023

Le JDD, 11/02/2024

Conseil constitutionnel

Rapport du Sénat, 05/10/2022

France Info, 11/02/2024