Frontex, Grèce, Parlement européen, Pologne et Cour de Justice – une semaine européenne marquée, entre autres, par la thématique migratoire

Frontex, Grèce, Parlement européen, Pologne et Cour de Justice – une semaine européenne marquée, entre autres, par la thématique migratoire
7 mai 2025 Olivier Debeney

Frontex, Grèce, Parlement européen, Pologne et Cour de Justice – une semaine européenne marquée, entre autres, par la thématique migratoire

Par A. Jean,


Les dernières données de Frontex montrent une diminution d’un tiers des franchissements irréguliers aux frontières extérieures de l’UE

Les données du premier trimestre 2025 relatives aux franchissements des frontières par des migrants irréguliers ont été publiées par l’agence de l’UE. Elles ont atteint 33 600, soit une diminution de 31% par rapport à 2024. Toutes les routes migratoires sont concernées.

Dans le détail, les routes de Méditerranée orientale (Grèce), centrale (Lampedusa) et d’Afrique de l’Ouest (Canaries) restent les plus empruntées (entre 8 500 et 9 600 tentatives) mais enregistrent des baisses respectives de 30, 26 et 29%. La plus forte baisse provient de la route des Balkans occidentaux, avec une diminution de 64% (2000+ tentatives). Les pays baltes, frontaliers de pays utilisant la migration comme armes de guerre hybride – tels la Russie et la Biélorussie, voient le nombre diminuer de 8% pour s’établir à 1500 traversées.

Le Pas-de-Calais respire un peu, avec 4% de baisse, mais devient le premier hotspot européen, avec plus de 11 000 départs vers le Royaume-Uni comptabilisés sur la période.

Cette diminution peut provenir de nombreux facteurs externes (météo, état de la mer en hiver etc.), mais elle intervient à un moment où l’exécutif européen multiplie les annonces et les coups de menton pour contenir l’immigration illégale (propositions législatives, accords avec des pays tiers…).

Les groupes politiques européens se positionnent sur la directive criminalisant les réseaux de passeurs et sur le système entrée/sortie aux frontières de l’UE

Discutée en commission des libertés civiles du Parlement européen, le rapport relatif au projet de directive sur l’aide à l’entrée, au séjour et au transit irréguliers agit déjà comme un marqueur – notamment autour de la question du traitement des ONG et de l’aide humanitaire. La rapporteure S&D (socialiste), rejointe par La Gauche et Les Verts/ALE entend ne pas criminaliser les ONG en distinguant les trafiquants et les passeurs des associations et citoyens venant en aide aux migrants, et ce en supprimant l’intention de causer du mal, pour mieux cibler les crimes de « haut-niveau » et les gains financiers associés. A l’inverse, les groupe ECR (conservateurs) et Patriotes pour l’Europe ont dénoncé une « invitation aux criminels » et un texte qui ne résoudra pas le problème de l’instrumentalisation des migrants par des Etats-tiers (Russie et Biélorussie en tête).

Autre texte relatif à la sécurité intérieure et aux frontière de l’UE : le projet de déploiement du système entrée/sortie (EES) aux frontières extérieures de l’Union. Pensé pour améliorer la sécurité au sein de l’espace Schengen et mieux maitriser les flux, l’EES est censé enregistrer les données des ressortissants de pays tiers (biométrie, images faciales, empreintes digitales). Il concerne avant tout les voyageurs munis d’un visa de court séjour. Néanmoins, le déploiement opérationnel de ce dispositif a été retardé, à la demande des Etats-Membres (EM) qui ne s’estimaient pas prêts pour la mise en service effective. Les eurodéputés en ont adopté le principe et défini leur position pour la négociation à venir (leur représentante sera la conservatrice belge Assita Kanko – NV-A).

Dans le détail, le Parlement souhaite que les EM puissent déployer le système en une seule fois ou bien étaler la mise en service sur six mois. Dans ce dernier cas, des valeurs-paliers seront définies avec l’objectif d’enregistrer dans le système 10% des franchissements après un mois et 35% après trois mois (le texte initial prévoyait respectivement 10% dès le premier jour et 50% après trois mois).

L’UE espère mettre en place l’EES dès octobre 2025.

La Grèce pourrait perdre le support de Frontex voire une partie de ses fonds européens en raison d’atteintes aux droits fondamentaux des migrants

Athènes est sous le coup de treize enquêtes diligentées par Frontex concernant des suspicions de refoulements illégaux de migrants aux frontières extérieures de l’Union. Ce nombre, le plus élevé de l’UE, correspond à près d’un tiers du total des enquêtes ouvertes en 2024. Les pratiques mises en cause, considérées comme illégales par les Nations Unies et déjà condamnées en janvier 2025 par la CEDH, concernent aussi bien les frontières terrestres que maritimes du pays.

Le responsable « droits fondamentaux » de l’agence estime en conséquence que les violations répétées des droits de l’Homme ne laissent que deux options à l’UE : suspendre la mission des agents de Frontex dans le pays ou entamer une procédure d’infraction. Le premier choix n’étant, au passage, pas forcément le meilleur car il entraînerait le retrait des agents, navires et avions déployés dans l’un des plus importants couloirs migratoires du continent. Il priverait de plus l’UE de toute possibilité de contrôle des actes exercés par les garde-côtes grecs, notamment en matière de transparence des pratiques.

Le directeur exécutif de l’Agence menace en outre, en cas de non-implémentation des recommandations émises, de réduire voire couper les financements octroyés à la Grèce. Une autre enquête conduite par le Médiateur grec demande même des poursuites contre plusieurs agents grecs suite à un naufrage survenu en juin 2023.

Ces menaces surviennent dans un contexte où le Premier ministre grec K. Mitsotakis a adopté une rhétorique ferme sur l’immigration, en nommant un nouveau ministre des migrations issu de la droite « dure » et en voulant accélérer les expulsions. Le pays se défend en rappelant qu’il est à l’avant-garde des problématiques migratoires et que ses garde-côtes réalisent un « travail humanitaire incontestable ».

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) précise l’obligation d’exécution du mandat d’arrêt européen

Dans son arrêt Sangas, la CJUE, saisie par la Cour Centrale roumaine, a dit pour droit que l’Etat-membre où réside une personne recherchée ne peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen si celui-ci a été émis dans le but de poursuivre la procédure pénale en cours dans un autre Etat-membre. La situation est identique en cas de prescription de l’acte faisant grief dans le droit interne de l’Etat membre d’exécution (l’invocation de ce motif ne peut intervenir que si ledit acte a été commis dans ce même Etat).

Pour rappel, un Etat peut refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen uniquement si celui-ci vise à exécuter une peine ou une mesure de sûreté privative de liberté.

La Pologne adopte une loi contre l’espionnage interdisant de photographier plus de 25 000 sites partout dans le pays

Un amendement à la loi sur la sécurité intérieure entré en vigueur le 17 avril 2025 a pour ambition d’interdire de photographier plus de 25 000 sites différents partout en Pologne. Sur cet ensemble, seuls 3% concernent des emprises militaires. Le reste couvre aussi bien des centrales électriques, des noeux de communication routiers ou ferroviaires, des tribunaux ou encore des sièges de gouvernements locaux.

L’objectif principal de cette nouvelle loi est de donner davantage de moyens légaux aux forces de sécurité afin de lutter contre les pratiques d’espionnage, notamment de la part de la Russie. Le non-respect de cette interdiction entraînera une amende, une confiscation du matériel voire un emprisonnement.

Néanmoins, la loi est critiquée pour plusieurs raisons. D’une part, des doutes subsistent sur l’efficacité réelle d’une telle mesure, attendu le niveau de professionnalisme des « vrais espions », formés pour rester discrets et donc ne pas être repérés à photographier. D’autre part, de nombreux médias alertent sur l’imprécision des termes employés et sur la potentielle « sur-sécurisation » des transports intérieurs, dont le niveau de vigilance et/ou de méfiance envers les voyageurs pourrait être similaire à celui observé dans les aéroports. Enfin, point faible de la régulation, les moyens d’imagerie satellitaire moderne (voire les drones) permettent déjà l’accès en haute résolution à des prises de vue aériennes disponibles en open source pour la quasi-intégralité des sites concernés…