Affaires intérieures et migration : l’UE poursuit ses travaux en septembre, dans un contexte international tendu

Affaires intérieures et migration : l’UE poursuit ses travaux en septembre, dans un contexte international tendu
9 octobre 2025 Olivier Debeney

Discours sur l’Etat de l’Union : Ursula Von der Leyen réaffirme la nécessaire unité des européens dans un contexte économique et international très fluctuant

 

Comme chaque année, devant les eurodéputés réunis en séance plénière à Strasbourg, la Présidente de la Commission européenne a prononcé son Discours sur l’Etat de l’Union (State of the EU – SOTEU – en anglais). Ce 10 septembre 2025, Ursula Von der Leyen s’est donc adressé aux députés alors que sa gestion des affaires de l’UE est vivement critiquée de toutes parts. Les forces centrales et de gauche lui reprochant notamment de rompre avec la majorité pro-européenne traditionnelle ainsi que son accord commercial avec les Etats-Unis – vécu par certains comme une humiliation pour le continent. A droite, il lui est reproché, entre autres, sa gestion de la politique migratoire. Extrême-gauche et extrême droite ont d’ailleurs présentés début octobre 2025 deux motions de censure. Rappelons que la dernière avait été (largement) rejetée en juin mais avait révélé au grand jour des dissensions politiques toujours actuelles entre le centre-gauche, le centre et le centre-droit.

Dans le détail, la Présidente de la Commission a abordé tout un ensemble de sujets divers, mais reliés entre eux par l’idée d’unité du continent et des européens face aux crises multiples internes et externes au continent. Elle a naturellement évoqué le conflit ukrainien, en mentionnant un 19ème paquet de sanctions, un prêt basé sur les intérêts générés par les avoirs russes gelés en Europe ainsi que le sort des enfants ukrainiens enlevés à leur famille. Ce faisant, Mme Von der Leyen a évoqué le renforcement des programmes de l’UE en matière de défense, avec un nouveau programme (« Qualitative military edge » ou « avantage militaire qualitatif »). Ce dernier porterait notamment un focus sur les drones, responsables de la majeure partie des pertes sur le terrain. Aussi, elle a soutenu les pays candidats à l’adhésion (Balkans, Moldavie…) alors que certains EM – comme la Hongrie – souhaitent ralentir le processus d’ouverture des négociations.

Toujours à l’international, la Présidente a musclé son discours sur Israël et Gaza en affirmant vouloir suspendre certaines aides bilatérales et partenariats et sanctionner des colons et ministres d’extrême-droite. Néanmoins, elle a aussi reconnu que le sujet divise et doit obtenir une majorité au Conseil. Notons que cet affermissement se place dans un contexte de grogne croissante de l’aile gauche de sa majorité au Parlement (S&D, Ecologistes) ainsi que d’initiatives de la part d’une partie du personnel des institutions. Sur les Etats-Unis, Ursula Von der Leyen a maintenu sa ligne de défense – celle d’un accord imparfait mais mieux que rien – en dépit des fortes turbulences qu’il a provoqué et des incertitudes encore non résolues sur de nombreux produits. Elle a toutefois ajouté que cela illustre l’importance pour les européens de trouver des partenaires commerciaux alternatifs… comme le MERCOSUR.

Sur l’économie, Ursula Von der Leyen a rappelé la pierre angulaire de sa politique : la compétitivité, fondée en cela sur les enseignements du rapport Draghi ; qui préconise des investissements importants pour maintenir les capacités productives du continent – et donc son autonomie. La commission veut ainsi augmenter les budgets pour la recherche, les start-ups et les technologies critiques – non sans oublier le parachèvement complet du marché commun, encore entravé par certaines barrières internes. Un critère « Made in Europe » dans les marchés publics aura aussi vocation à être introduit. Le tout, en maintenant une politique climatique ambitieuse, à rebours des intentions d’une part croissante des eurodéputés et de certains EM. Le Pacte vert continue donc son chemin, tout comme le déploiement des énergies renouvelables – quand bien même la Présidente de la Commission a évoqué le nucléaire comme la « source de base » en matière énergétique.

Sur la sécurité intérieure et la migration enfin, la Commission veut mettre en place un nouveau régime de sanctions contre les réseaux de passeurs et de trafiquants d’êtres humains. Il s’agirait notamment de cibler leurs avoirs et de restreindre leurs facilités de déplacement, sans doute en passant par l’arme des visas. Elle a enfin appelé à la mise en œuvre effective le plus rapidement possible du Pacte sur l’asile et la migration – en reconnaissant l’importance du sujet dans l’opinion publique continentale.

Du côté de Luxembourg et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)…

Pologne, notion de « tribunal » et primauté du droit de l’Union : 

Par son arrêt du 4 septembre 2025, la Cour de Luxembourg a rendu son verdict dans le cadre de l’affaire C-225/22 [AW « T »] – une affaire se plaçant dans la lignée des contentieux intervenus sur fond de préoccupations quant à l’Etat de droit et à l’indépendance de la justice en Pologne. Le litige a pour fond une décision de 2021 de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême polonaise. Celle-ci a annulé une décision, devenue définitive entre-temps, et a renvoyé l’affaire devant une juridiction civile pour réexamen. Ladite juridiction s’est interrogée sur la régularité de la formation qui avait rendu l’arrêt de 2021, en raison des irrégularités ayant affecté la nomination de ses juges. Pourtant, la réglementation nationale et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle polonaise interdisent de vérifier la régularité de la nomination des juges, ce qui la contraignait à appliquer la décision de renvoi. Elle a donc saisi la CJUE afin d’obtenir des éclaircissements sur la portée du droit de l’Union.

La CJUE a rappelé que, selon le droit de l’Union, une juridiction doit être indépendante, impartiale et établie par la loi pour pouvoir valablement exercer sa fonction. Or, elle avait déjà jugé que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême polonaise ne remplissait pas ces conditions, en raison des irrégularités entourant la procédure de nomination de ses juges. Dès lors, le juge national ne peut pas ignorer cette jurisprudence et doit vérifier la régularité de la nomination des magistrats composant la formation de jugement concernée.

La Cour précise qu’il suffit de la participation d’un seul juge nommé de manière irrégulière pour priver la formation de jugement de sa qualité de tribunal indépendant au sens du droit de l’Union. Par conséquent, si la juridiction nationale constate que la décision de renvoi a été rendue par une formation irrégulière, elle doit la tenir pour non avenue afin de garantir la primauté du droit de l’Union. Ce contrôle ne peut être empêché ni par les dispositions nationales ni par les décisions de la Cour constitutionnelle polonaise. De plus, aucune considération relative à la sécurité juridique ou à l’autorité de la chose jugée ne peut faire obstacle à la mise à l’écart d’une telle décision lorsqu’elle contrevient aux exigences fondamentales du droit de l’Union.

Terrorisme et principe ne bis in idem : 

La locution latine ne bis in idem signifie, dans le cadre d’une procédure judiciaire, qu’une personne ne peut être poursuivie ou jugée une seconde fois pour des faits identiques. Cela assoit dès lors l’autorité de la chose jugée et empêche de multiples condamnations – potentiellement contradictoires – sur une même affaire. C’est précisément de ce principe qu’a appliqué la Cour de justice dans son arrêt du 11 septembre 2025 MSIG/Ministerio Fiscal (C-802/23).

Saisie d’une question préjudicielle par la Cour centrale espagnole, la Cour a estimé qu’une personne ne peut être poursuivie – et donc jugée/condamnée – dans un EM pour des faits lui ayant déjà valu une condamnation dans un autre EM. Il s’agissait en l’occurrence du cas d’une dirigeante de l’organisation terroriste basque ETA ayant passé 20 ans en prison en France. En Espagne, elle risquerait 30 ans supplémentaires pour tout un ensemble d’actes de nature terroristes. De plus, en Espagne, les peines purgées à l’étranger ne peuvent pas, dans ce cas, être déduites ; et s’ajouteraient donc à celles effectuées en France. La Cour note ainsi que la notion de « mêmes faits » vise leur seule matérialité, ce qui ne permet pas de contourner le ne bis in idem par des qualifications juridiques différentes ou par la poursuites d’intérêts divergents entre juridictions.

Les juges notent cependant que c’est à la juridiction de renvoi de déterminer si les faits en question sont bien ceux qui ont déjà été jugés à l’étranger, en prenant en compte l’ensemble des chefs d’inculpation.

Mandat d’arrêt européen, Etat d’exécution et consentement de l’Etat d’émission : 

Le 4 septembre 2025, dans son arrêt C-305/22 [C.J.], la CJUE – réunie en grande chambre – a du se pencher sur le cas d’un citoyen roumain condamné par la cour d’appel de Bucarest à une peine de prison devenue définitive en novembre 2020. La juridiction roumaine a ensuite émis un mandat d’arrêt européen (MAE) pour permettre l’exécution de cette peine. L’intéressé a ensuite été arrêté en Italie en décembre 2020. Toutefois, les autorités judiciaires italiennes ont refusé sa remise à la Roumanie et ont choisi de reconnaître le jugement roumain en exécutant elles-mêmes la peine, au motif que la personne résidait légalement en Italie et que cette solution favoriserait sa réinsertion sociale. Elles ont en conséquence adapté la sanction, en tenant compte du temps de détention déjà purgé et en prononçant une assignation à domicile avec sursis. Les autorités roumaines se sont opposées à cette démarche, estimant que la condamnation devait être exécutée en Roumanie car le MAE restait applicable. La cour d’appel de Bucarest a donc saisi la CJUE d’une question préjudicielle afin de savoir si un État d’exécution peut refuser la remise sans le consentement de l’État d’émission et si ce dernier conserve son droit d’exécuter la peine.

Le MAE est un instrument de coopération judiciaire simplifiée qui repose sur la confiance mutuelle et le principe selon lequel les États membres doivent exécuter les mandats émis par leurs homologues. Les motifs de refus d’exécution sont limités et s’interprètent restrictivement. Dans le cas présent, l’Italie a invoqué la réinsertion sociale pour justifier l’exécution de la peine sur son territoire. Or, le droit de l’Union prévoit que, lorsqu’un État d’exécution souhaite prendre en charge l’exécution d’une condamnation, il doit obtenir le consentement de l’État d’émission, accompagné de la transmission du jugement et d’un certificat.

La CJUE a jugé que, faute de ce consentement, l’État d’exécution ne peut refuser la remise et doit exécuter le mandat. L’objectif de réinsertion sociale ne saurait primer sur l’obligation d’exécuter le mandat, qui reste la règle générale. La Cour a ajouté que l’État d’émission conserve le droit de voir la peine exécutée sur son territoire et peut légitimement invoquer des considérations de politique pénale pour refuser une exécution ailleurs. Dès lors, un mandat d’arrêt européen demeure en vigueur si le refus de remise a été décidé en dehors des conditions prévues par le droit de l’Union, et l’État d’émission conserve son droit à l’exécution de la peine.

Au chapitre migration…

Allemagne : 10 ans après le célèbre « Wir schaffen das », un ressenti migratoire sur fond de refoulement aux frontières :

Depuis dix ans, la perception du climat d’accueil en Allemagne se dégrade parmi les personnes ayant fui leur pays entre 2013 et 2019. Une étude récente du DIW (27 août 2025) montre que seuls 65 % des réfugiés se sentent encore bienvenus en 2023, contre 80 % en 2018, tandis que 54 % redoutent aujourd’hui l’hostilité à l’égard des étrangers – contre environ 30 % vers 2016–17. Aussi, 32 % rapportent des discriminations dans la recherche d’un logement, et 18 % sur le marché du travail ; particulièrement en ex-Allemagne de l’Est. Les sondés établissent de plus un lien direct entre la baisse de leur sentiment d’accueil et le débat public sur le durcissement migratoire. Malgré ce climat, 98 % des personnes enquêtées envisagent ou ont déjà entamé une démarche de naturalisation. Le taux d’acquisition de la nationalité est passé de 2,1 % en 2021 à 7,5 % en 2023. 

Par ailleurs, les études du même corpus soulignent une progression lente mais tangible de la participation au marché du travail : environ 64 % des réfugiés arrivés en 2015 travaillent en 2024, majoritairement dans des secteurs comme la logistique ou les soins, pour un taux d’emploi d’environ 70% sur cette population. L’écart hommes/femmes reste important (≈76 % vs ≈35 %) ; temps partiels et garde d’enfants faisant. Ces difficultés peuvent s’expliquer par l’arrivée il y a dix ans d’une population fuyant prioritairement la guerre et ne possédant souvent pas de qualifications utiles sur le marché du travail allemand – apprentissage de la langue notamment.

En parallèle, entre mi-septembre 2024 et fin juin 2025, les contrôles frontaliers ont entraîné une surchauffe budgétaire: environ 80,5 millions d’euros de coûts supplémentaires pour la Bundespolizei, dont près de 38 millions consacrés aux heures supplémentaires. Les frais additionnels concernent aussi l’hébergement, les allocations de nuit, le matériel supplémentaire et le fonctionnement des postes-frontières. Pour assurer ces opérations, près de 14 000 agents de la police fédérale ont été mobilisés chaque jour, selon le ministère de l’Intérieur. Parallèlement, entre mai et août, 493 personnes en situation de demande d’asile ont été refoulées, une pratique que la justice allemande a jugée illégale dans certains cas.

Selon un bilan officiel présenté par la ministre de l’Intérieur Alexander Dobrindt (CSU), les contrôles ont permis de refouler presque 12 000 entrées illégales (dont 660 demandeurs d’asile), d’identifier environ 2 000 passeurs et de freiner les demandes de protection internationale – en forte baisse entre 2023 et 2025 (de plus de 300 000 à moins de 33 000). Les autorités mettent également en avant une hausse de 77 % de l’immigration de travailleurs qualifiés, davantage de renvois et une participation renforcée aux cours d’intégration.

Le dispositif fait l’objet de critiques croisées : la gauche (Die Linke) dénonce des violences symboliques ciblées contre les réfugiés et une violation du droit européen sur les non-refoulements. Les syndicats policiers, eux, appellent à des méthodes alternatives et flexibles, en raison des coûts humains et matériels élevés, préférant des contrôles mobiles à des postes fixes jugés insoutenables sur le long terme. Du côté de la CSU, les contrôles sont défendus comme nécessaires à la sécurité intérieure et à la lutte contre le crime organisé et M. Dobrindt a annoncé leur prolongement au-delà du mois de septembre 2025. Aussi, la validité juridique des refoulements est remise en doute, notamment via la décision du tribunal administratif de Berlin (voir la brève du CRSI à ce sujet).

Enfin, mentionnons que dans ce contexte, le gouvernement allemand a ratifié le Pacte sur l’asile et la migration, adopté au niveau européen en 2024 et pour lequel les EM ont jusqu’en 2026 pour en transposer les mesures dans leur droit. Néanmoins, cette ratification nécessite encore l’accord du Bundestag, et ce alors que la coalition en place connait des divergences en matière de durcissement de certaines règles (détention des migrants illégaux, accès à l’emploi, etc.).

Royaume-Uni : une saga estivale autour de l’hébergement de demandeurs d’asile dans un hôtel : 

L’hôtel Bell à Epping, dans l’Essex, est devenu le symbole des tensions entourant l’hébergement des demandeurs d’asile au Royaume-Uni. Depuis la fin juillet 2025, l’établissement – connu pour accueillir des demandeurs d’asile – a été la cible de manifestations parfois violentes après l’inculpation de deux de ses résidents, dont l’un soupçonné d’avoir agressé une adolescente. Les rassemblements ont dégénéré à plusieurs reprises, entraînant des heurts avec la police et des inculpations. Dans ce contexte, le conseil local a demandé à la justice de mettre fin à l’usage de l’hôtel comme centre d’accueil, donnant lieu à une série de décisions contradictoires.

Le 20 août 2025, la Haute Cour de Londres a donné raison au conseil local d’Epping et ordonne aux 140 demandeurs d’asile hébergés de quitter les lieux au plus tard le 12 septembre. La décision était fondée sur les troubles survenus devant l’établissement et sur l’argument que l’hôtel ne remplissait plus sa fonction initiale. Le jugement a été salué par les élus locaux et plusieurs autres collectivités ont annoncé envisager des recours similaires. Le ministère de l’Intérieur a toutefois mis en garde contre l’effet domino qu’une telle jurisprudence pourrait avoir sur le dispositif national d’accueil, qui repose encore en partie sur environ 210 hôtels abritant plus de 32 000 migrants (après un pic un 56 000 en 2023). Si le nombre de ces infrastructures est en baisse, il est compensé par l’ouverture d’autres, notamment des bases militaires – reconverties ou non.

Neuf jours plus tard, le 29 août 2025, la Cour d’appel a cependant annulé cette injonction. Elle a considéré que la décision de première instance risquait de légitimer les protestations violentes et d’inciter d’autres conseils à engager des démarches judiciaires analogues. Les juges ont aussi souligné l’absence de solutions alternatives immédiates pour reloger les résidents, le gouvernement n’ayant pas de capacités suffisantes hors des hôtels. L’hôtel Bell ne sera donc pas évacué en septembre, mais la justice doit encore se prononcer en octobre sur une demande de fermeture définitive.

L’affaire reste ouverte : si la fermeture permanente était confirmée à l’automne, le ministère de l’Intérieur britannique devrait trouver dans l’urgence d’autres sites d’accueil, alors que les projets alternatifs rencontrent des résistances locales. Pour les collectivités, le jugement en appel rappelle la nécessité de prouver des « dommages locaux » concrets pour espérer obtenir gain de cause. Le cas d’Epping illustre donc les limites juridiques des recours municipaux et l’équilibre délicat entre maintien de l’ordre public et obligation d’action des pouvoirs publics en la matière.

Au-delà de la seule commune d’Epping, le dossier s’inscrit dans un climat politique et social tendu – l’été 2024 ayant déjà été synonyme de violences urbaines sur fond de défiance migratoire. Le gouvernement travailliste de Keir Starmer s’est engagé à mettre fin à l’usage des hôtels d’ici 2029, mais peine à réduire le flux des arrivées par la Manche (et compte, entre autres, sur le partenariat avec la France – voir les travaux du CRSI à ce sujet ici et ). Pour ne rien arranger aux ennuis du gouvernement britannique, la mise en place du système « one in, one out » agrée avec la France a subi un contretemps après qu’un juge de la High Court britannique ait suspendu l’expulsion du premier migrant concerné par ce dispositif, le temps pour son avocat de préparer sa défense. Sept Britanniques sur dix jugent la politique migratoire mal gérée, tandis que l’opposition conservatrice et le parti Reform UK sont à l’affut et dénoncent un système coûteux et inefficace. 

Les Pays-Bas signent un accord pour un « hub de retour » avec l’Ouganda :

Le 25 septembre 2025, les Pays-Bas ont signé un accord avec l’Ouganda afin de coopérer sur le dossier sensible des demandeurs d’asile déboutés. Il s’agirait de faire du pays africain un point de transit, qui servirait de lieu provisoire dans l’attente du retour effectif du migrant dans son pays d’origine. Point d’importance, cela ne concernerait que les demandeurs d’asile provenant de pays géographiquement proches de l’Ouganda, mais qui ne peuvent (ou ne veulent) pas y retourner. 

Cet accord, pour le moment à une échelle limitée, n’est pas sans rappeler la tentative du Royaume-Uni d’expulser des migrants vers le Rwanda – une politique qui a subi des revers juridiques avant d’être abandonnée par le gouvernement travailliste à peine arrivé au pouvoir. Dans tous les cas, l’initiative néerlandaise affirme respecter les droits de l’Homme et se placer dans la lignée de la proposition de la Commission européenne visant à externaliser certains centres pour demandeurs déboutés. La légalité concrète du dispositif reste cependant encore incertaine. Enfin, mentionnons que cette annonce intervient alors que les citoyens hollandais sont appelés aux urnes pour des élections anticipées le 29 octobre 2025 suite à la chute du Gouvernement en juin 2025.

Europol et Frontex augmentés en moyens pour lutter contre l’immigration irrégulière :

Europol, l’agence de coopération policière de l’UE se verra renforcée afin de mieux soutenir les EM dans la lutte contre les réseaux de passeurs. Pour ce faire, les EM devront davantage partager leurs informations sur les passeurs et la traite d’êtres humains – y compris lorsqu’ils possèdent des officiers de liaison postés dans des pays tiers. EN outre, au sein d’Europol sera créé un centre dédié à la lutte contre le trafic de migrants chargé notamment de fournir un soutien technique aux EM et contribuer à l’identification des victimes. Ce centre accueillera aussi autant que de besoin des représentant d’Eurojust, de Frontex et des acteurs de la plateforme EMPACT (lutte contre les menaces criminelles). Pour l’agence, cela se traduira par un renfort humain de 50 personnes et de 50 millions d’euros.

Toujours en matière d’agences européennes, il est à noter la discussion au Conseil d’un renforcement du mandat de Frontex, prévu pour 2026, visant à mieux équiper l’agence en moyens et en prérogatives. Ainsi, l’agence de Varsovie se verrait confier des tâches nouvelles comme l’augmentation de la coopération avec les pays tiers ou l’organisation de transferts de migrants entre deux Etats non-UE – typiquement dans une situation impliquant un centre de retour dans un pays de transit hors-UE et le pays d’origine du migrant. Cependant, la tâche principale de Frontex restera la surveillance des frontières de l’Union et l’appui aux EM ; tâches pour lesquelles ses effectifs devraient tripler pour atteindre les 30 000 agents (théoriquement) avant 2030.

L’armée belge en renfort face au narco-banditisme : mesure utile ou cosmétique ?

Face à la recrudescence du trafic de drogue à Bruxelles – et au manque de moyens pour s’y opposer (voir, pour approfondissement, la note du CRSI) – une solution plus radicale est apparue dans le débat public belge. Le ministre de l’intérieur (MR – libéral francophone) Bernard Quintin a en effet émis l’idée d’envoyer l’armée en renfort de la police pour garantir la sécurité – non sans rappeler l’opération Vigilant Guardian, sorte de « Vigipirate d’outre-Quiévrain », arrêtée en 2021. L’objectif est clair : mettre en place le déploiement de forces « le plus tôt possible ».

Dans le détail, il s’agirait de constituer des patrouilles mixtes, formée de policiers et de militaires, avec ces derniers en appui. Néanmoins, et comme le rappellent des médias comme la RTBF et De Morgen, les militaires ne sont pas formés à des tâches de sécurité intérieure telles que la fouille, le contrôle d’identité ou encore les arrestations. En outre, l’utilisation d’armes de guerre dans des environnements urbains pourrait engendrer des victimes collatérales. De manière plus générale, c’est la question de l’efficacité globale de la mesure qui se pose, et du débat sur l’utilité des forces armées dans des opérations avant tout taillées pour les forces de sécurité intérieure. Un tel débat se pose d’ailleurs aussi en France, où les patrouilles de militaires dans les rues obèrent une partie du potentiel pour la remontée en puissance et la haute intensité. 

C’est notamment pour ces raisons que de nombreux opposants se sont manifestées ; et en premier lieu le bourgmestre (PS) de Bruxelles-Ville Philippe Close. Ce dernier critique la mesure et incite plutôt… à déployer les militaires dans le port d’Anvers – une autre plaque tournante notoire du trafic de drogue. Selon lui, le fait que l’emprise portuaire soit la porte d’entrée des marchandises illicites incite à déplacer le cœur de la lutte à cet endroit. Cependant, la majorité, via la voix du MR, soutient sa proposition et pointe du doigt la nécessité de lutter contre le narcotrafic par des moyens renforcés en se mettant « au niveau de la menace » – laquelle ne serait plus « dissuadée » par l’uniforme policier. C’est également une manière d’augmenter le nombre d’uniformes sur la voie publique, à des fins dissuasives, et projetés sur certains quartiers particulièrement sensibles (comme le Peterbos à Anderlecht). D’autres critiques pointent du doigt le manque de moyens de la police judiciaire pour faire on travail, ainsi que des tribunaux pour absorber le surcroit d’affaires. Et ce, en dépit des nombreux signaux d’alerte tirés depuis des années déjà, parmi lesquels ceux du Procureur du Roi. En corollaire, c’est la critique d’une « militarisation » qui se développe, alors que le Gouvernement fédéral veut attirer davantage de jeunes sous les drapeaux dans le contexte d’un réarmement du pays.

Dans tous les cas, il semble acquis que la mesure ne suffira pas d’elle-même à endiguer le phénomène du narcotrafic dans la capitale de l’Europe. Rien que durant l’été, 20 fusillades ont eu lieu sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale, et 57 depuis le début de l’année. A noter toutefois, que cette mesure, pour spectaculaire qu’elle soit, fait partie d’un plan plus large dédié aux grandes villes du Royaume et qui comprend entre autres un renforcement des moyens de surveillance par caméras. Enfin, mentionnons que cette même région de Bruxelles ne dispose toujours pas d’un gouvernement fonctionnel, seize mois après les élections.

Dans le reste de l’actualité européenne 

FRONTEX: L’agence européenne des Garde-côtes et Gardes-frontières (plus connue sous le nom de « Frontex ») fête en 2025 son vingtième anniversaire. Crée dans la foulée du grand élargissement de 2004, l’agence a pour objectif de mieux sécuriser les frontières extérieures de l’Union, renforcer la coopération entre les EM et contrer les phénomènes criminels transfrontaliers (trafic de migrants par exemple). Cible régulière de nombreuses ONG, l’agence basée à Varsovie n’a cependant jamais cessé de se renforcer, jusqu’à se déployer dans des pays-tiers comme la Moldavie. Aussi, dans le cadre des récentes initiatives européenne comme le Pacte sur l’asile et la migration, la stratégie ProtectEU ou encore la présentation de la directive « retours », Frontex est appelée à croitre en moyens et en compétences – avec un objectif clair de 30 000 agents d’ici 2030. 

PARLEMENT : Un débat voulu par le groupe Patriots for Europe (PfE, dans lequel siège notamment le RN) s’est tenu le 10 septembre, à Strasbourg, en marge de la séance plénière. Portant sur la « migration de masse et la sécurité des femmes et des enfants dans l’UE », l’échange a été très critiqué par la majorité des groupe politiques au PE. Les groupes de gauche et Renew ont été les plus virulents, dénonçant des « amalgames » et une vision « raciste », mais le PPE a également émis des critiques. Pour PfE – troisième force au PE – il s’agissait avant tout de critiquer la politique migratoire de l’UE, un domaine fétiche pour le groupe.

ALLEMAGNE : En réflexion depuis l’accord de gouvernement entre CDU, SPD et CSU (et même avant), le service militaire (Wehrpflicht) va être réinstauré outre-Rhin. Supprimé en 2011, cette nouvelle mouture ne sera, dans un premier temps, accessible que sur une base volontaire. La complétion d’un questionnaire sera néanmoins obligatoire à partir de 2026, avec une inscription facultative pour les femmes. D’une durée minimale de six mois, ce service se veut attractif, avec une solde supérieure à 2000 euros nets mensuels, des cours de langue, une aide à l’obtention du permis de conduire et des possibilités d’évolution de carrière. L’objectif est de dynamiser le recrutement de la Bundeswehr, actuellement insuffisant, en dépit des inquiétudes sur le manque de place dans les casernes.

A noter qu’en parallèle, la coalition a annoncé la création d’un nouveau Conseil de sécurité nationale (Nationaler Sicherheitsrat). L’objectif principal est de centraliser l’information et la prise de décision en matière de défense, de sécurité intérieure, économique ou numérique – alors qu’actuellement les administrations ont tendance à ne collaborer que de manière limitée. Mentionnons que, dans de nombreux pays, un tel organisme existe déjà.

CJUE : Selon l’avocate générale Capeta (dont les conclusions ne lient pas la Cour), le droit de séjour dérivé d’un parent dont l’enfant est citoyen de l’Union doit s’apprécier indépendamment de la situation dudit parent. Dans le cas d’espèce (C-147/24 « Safi »), il s’agissait pour les autorités néerlandaises d’éloigner la mère de l’enfant vers l’Espagne – alors que l’enfant est citoyen des Pays-Bas. L’AG considère que rien ne doit contraindre l’enfant à quitter son EM de nationalité, y compris si l’EM de destination fait partie de l’UE. Elle se base pour cela sur les droits attachés à la citoyenneté européenne, et notamment celui de décider de ne pas se rendre dans un autre EM.

COMMISSION : Le 15 juillet 2025, la Commission européenne a adopté de nouvelles règles plus favorables pour les ressortissants turcs souhaitant obtenir un visa Schengen (hors transport routier). En bref, la délivrance de visas de plus longue durée sera possible, pouvant aller jusqu’à cinq ans de validité. Ces assouplissements interviennent alors que plus d’un million de visas ont été traités par les consulats des pays Schengen en 2024, une augmentation de 10% en un an.

A l’inverse, la Commission se prépare aussi à durcir le ton sur les visas octroyés aux russes en voyage en Europe. Bruxelles devrait en effet dévoiler de nouvelles lignes directrices d’ici la fin de l’année, avec des critères plus stricts recommandés – une revendication de longue date des pays frontaliers de la Russie. Un durcissement est en parallèle attendu sur la liberté de circulation des diplomates russes, soupçonnés par certains EM de favoriser les actes de sabotage et d’espionnage. Rappelons que la Commission ne peut que chercher l’harmonisation des règles de délivrance, les EM restant souverains dans la décision d’octroi. Ainsi, certains EM comme la Lettonie ont déjà banni la délivrance de ce type de documents à des russes dès 2022.

LUXEMBOURG : Le gouvernement grand-ducal a déposé une deuxième plainte devant la Commission européenne, faisant suite à une nouvelle prolongation par l’Allemagne des contrôles à ses frontières. Une première plainte avait déjà été déposée en février 2025 pour les mêmes motifs – et dont l’examen n’est toujours pas achevé d’après les médias luxembourgeois. Rappelons que le Luxembourg s’oppose fermement à ces contrôles – fixes notamment – qui créent des embouteillages pour les travailleurs frontaliers, apport essentiel à l’économie du pays (voir aussi la note du CRSI à ce sujet). A noter que la Commission ne peut pas directement s’opposer à ces mesures aux frontières, mais simplement se prononcer sur la proportionnalité et la nécessité du dispositif. Elle peut toutefois saisir la CJUE, ce qu’elle n’a pour le moment jamais fait.

SLOVAQUIE : Le parlement slovaque a adopté le 26 septembre 2025 une révision de la constitution du pays. Portée par le – décrié – Premier ministre Robert Fico, cette nouvelle mouture du texte suprême prévoit, entre autres, la mention des deux sexes biologique et une restriction des droits pour les couples homosexuels. Plus notable encore, est désormais inclus le concept de supériorité du droit slovaque sur le droit européen – une évolution que la Commission européenne considère comme nulle, soulignant que la primauté du droit de l’UE est « non négociable ».

EUROPOL : Comme chaque année, durant la European Police Chiefs Convention (EPCC) tenue à la Haye (Pays-Bas), l’agence européenne a annoncé les gagnants de son prix d’excellence visant à récompenser les projets innovants qui renforcent la coopération policière et l’efficacité des opérations. Parmi les lauréats, un projet améliorant la documentation médico-légale ou encore le démantèlement d’une plateforme illicite au moyen d’outils de crypto-traçage et de signalement automatisé.

 

Aurélien JEAN