Le paysage médiatique Français

Le paysage médiatique Français
30 octobre 2025 Olivier Debeney

par un contributeur, membre de l’Observatoire du journalisme.


SOMMAIRE

  1. Les difficultés de la presse écrite
  2. L’irruption de l’intelligence artificielle
  3. Ruptures technologiques, nouveaux usages, nouveaux médias
  4. Aperçu des audiences TV et radios
  5. Présentation de l’ARCOM
  6. L’action récente de L’ARCOM
  7. Le contrôle des contenus sur les chaînes
  8. Lorsque la régulation va à l’encontre de la liberté d’informer
  9. La Cour des comptes se penche sur l’audiovisuel public
  10. Le projet de réforme de l’audiovisuel public
  11. Conclusion

Nous connaissons aujourd’hui une polarisation croissante de la société et du débat public. Dans ce contexte, l’espace médiatique qui accueille ce débat public est sous tensions. C’est pourquoi il est intéressant de faire aujourd’hui un tour d’horizon des évolutions et des principales questions qui sont posées.

 

Les difficultés de la presse écrite

La diminution du lectorat et des abonnements, le développement d’internet, les coûts croissants de matière première et de distribution, ne datent pas d’aujourd’hui, et la presse écrite est entrée dans des processus d’adaptation depuis déjà plusieurs décennies.

Les deux groupes leaders que sont Le Monde et Le Figaro, dans cet ordre, revendiquent respectivement 30 millions de visiteurs mensuels sur le site internet, près de 200.000 abonnés papier et 500.000 abonnés numérique pour le premier, 20 millions de visiteurs mensuels sur le site, 100.000 abonnés papier et près de 300.000 abonnés numérique pour le second.

Ces chiffres montrent que l’audience se mesure maintenant davantage en termes de flux internet qu’en termes de tirage ou d’abonnement. Mais si la presse écrite a été contrainte d’être présente sur internet, elle s’y retrouve en concurrence directe avec quantités de nouveaux médias (paragraphe 3).

Aujourd’hui, le modèle survit grâce au soutien de quelques grands groupes ou hommes d’affaires, aux aides d’état à la presse, et à la publicité. Mais ces trois sources de financement sont d’un avenir  incertain.

Concernant le soutien des hommes d’affaires, ils peuvent être attirés par la notoriété et la capacité d’influence qu’ils pensent trouver dans les médias, et peut-être aussi par un intérêt personnel pour le sujet. Mais bien souvent, ces hommes providentiels financent à perte un modèle économique très volatile, et ils finissent par se dégager du système.

Pour prendre un seul exemple, le quotidien Libération a été sauvé plusieurs fois de la faillite par l’intervention de plusieurs hommes d’affaires (ironie de cette situation …) ; Jérôme Seydoux en 1994, Edouard de Rotschild en 2005, Patrick Drahi en 2016 et le milliardaire Tchèque Daniel Kretinsky depuis 2022. Ce dernier a dû injecter environ 27 millions d’euros entre 2022 et 2024 sous forme de prêts et de dons pour renflouer le journal.

Concernant les aides à la presse du ministère de la culture, elles se décomposent en plusieurs volets : aides au pluralisme, aides au transport et à la diffusion de la presse, aides à l’investissement en faveur de la modernisation, aides exceptionnelles papier. Elles représentaient 175,2 millions d’Euros distribués en 2024 à 527 publications, soit un montant non négligeable pour bon nombre de titres ; Libération a ainsi touché 6,6 millions d’Euros en 2024 et L’humanité 3,1 millions d’Euros (soit le montant d’aide le plus élevé rapporté à la diffusion du journal).

Ces aides ont déjà connu une baisse entre 2023 et 2024. Il est évident que ses montants seront régulièrement ré-interrogés, tout particulièrement dans un contexte de contrainte budgétaire forte.

Sur la publicité, la presse écrite se retrouve, de nouveau, en concurrence avec internet, dans la mesure où les budgets des annonceurs sont de plus en plus fléchés vers les GAFAM.

Pour en terminer sur la presse écrite, il convient de relever que son influence réelle a sensiblement diminué. En effet, et contrairement à ce qui se passait « au siècle précédent », même les titres dominants sont consommés de façon de moins en moins exclusive et en complément d’autres médias.

 

L’irruption de l’intelligence artificielle

L’IA est aujourd’hui incontournable dans le travail des médias. Elle est tout à la fois un outil de productivité, un outil de recherche, et un outil qui facilite la création des contenus textes et images. Mais elle tend aussi à standardiser les productions, à diffuser la répétition d’une même vision des choses, et elle expose au risque de plagiat.

Voici 2 exemples d’affaires judiciaires récentes qui illustrent les nouvelles questions posées par l’IA, notamment celles relatives à la propriété intellectuelle :

  • le tribunal judiciaire de Paris a ordonné en Mai 2025 la fermeture pour 18 mois du site News.DayFR qui utilisait l’IA pour produire 6000 articles par jour en plagiant massivement des articles de presse
  • le New York Times et d’autres acteurs Américains ont engagé une action contre Google à propos des AI Overwiews (résumés IA). Ces dossiers réalisés par le géant du Web grâce à l’IA apparaissent en tête de recherche et n’ont pas encore vraiment démarré en France. Mais aux Etats-Unis, cette pratique conduit à une baisse importante du trafic et des revenus générés par les sites des éditeurs, qui sont pourtant les créateurs des contenus utilisés pour générer les AI Overwiews.

 

Ruptures technologiques, nouveaux usages, nouveaux médias

Toutes les chaînes TV, chaînes YouTube ou réseaux sociaux peuvent maintenant être regardés sur un téléviseur (smart TV), sur un ordinateur ou sur un smartphone, ce qui les rends consommables en tous lieux et à toute heure.

Internet est ainsi le lieu où la plus petite chaîne est consultable aussi facilement que le journal le plus prestigieux. C’est un grand nivellement, une grande égalisation, selon le principe fondateur de « neutralité du net » selon lequel le réseau doit garantir l’égalité de traitement et d’acheminement de tous les flux.

Un autre changement technologique majeur est la possibilité de réaliser avec un simple smartphone le travail qui nécessitait auparavant une caméra et du matériel professionnel.

De nombreux nouveaux médias ont profité de ces ruptures technologiques : Blast, Basta, Brut, Fontières, Tocsin, Omerta, QG, Off investigation, Acrimed, Le Crayon, Reporterre, Le Média, Contrepoints … , mais nous pourrions en citer 10 fois plus, ont grandi rapidement et jouent un rôle de plus en plus important dans l’information, notamment pour le public jeune.

Par exemple, près d’un quart des moins de 35 ans s’informent au moins une fois par semaine sur la chaîne Hugo décrypte, qui compte 3,5 millions d’abonnés sur YouTube et 7,2 millions sur TikTok.

Le modèle de ces médias se distingue aussi sur au moins deux aspects ; certaines radicalités trouvent à s’y exprimer à relativement peu de frais, et leur fonctionnement est souvent rendu possible grâce à des donations et autres financements participatifs.

A ces nouveaux médias, il faut ajouter tous les influenceurs qui réunissent des communautés importantes sur les réseaux sociaux, et qui jouent aussi un rôle dans l’information et la perception de l’actualité. Les réseaux sociaux et les podcasts représentent ainsi la principale source d’informations pour 44% des 18-24 ans et pour 38% des 25-34 ans.

Il est reproché beaucoup de choses aux réseaux sociaux et plate-formes numériques ; favoriser un entre-soi idéologique dans lequel l’utilisateur se complaît sans se confronter à d’autres opinions ; propager la désinformation et les fake news ; prioriser certains types d’information grâce aux algorithmes. Toutes ces questions sont complexes. Nous nous bornerons ici à faire le constat qu’il s’agit d’un espace médiatique relativement ouvert, où dans la pratique seul des propos clairement répréhensibles (terrorisme, pédopornographie…) sont bannis.

 

Aperçu des audiences TV et radios

Au niveau des chaînes généralistes, TF1 domine toujours le classement (19,4% d’audience en Septembre 2025, stable par rapport à Septembre 2024), suivi par France 2 (13,7%, en baisse de 1,7 point), France 3 (9% en Sept 2025, stable), M6 (7,8%, stable), France 5 (3,6%, stable) et W9 (3,1%, en hausse de 0,8 point).

Les éléments remarquables sont ici l’érosion sensible de France 2 et et la performance de W9, qui est à mettre en lien avec l’arrivée de Cyril Hanouna (suite à la fermeture de C8).

Concernant les chaînes d’information, Cnews confirme sa position de leader (3,9%, en hausse de 0,7 point), suivie par Bfmtv (2,9%, stable), LCI (2,2%, en hausse de 0,5 point), et France-info TV (1,1%, stable). Rappelons que l’audience de I-télé au moment de son rachat par le groupe canal en 2017 et de sa transformation en Cnews, était de 0,9%. Depuis, l’audience de la chaîne n’a pas cessé de progresser.

Globalement, le média Radio a tendance à se contracter, le nombre total d’auditeurs ayant baissé de 10% depuis 2017. Dans ce contexte défavorable, les grosses stations résistent bien, avec une position dominante des radios du service public. Le leader incontesté est toujours France Inter (12,8% d’audience cumulée), suivi par RTL (8,9%), France Info (8,7%) et Europe 1 (4,7%).

 

Présentation de l’ARCOM

L’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) résulte de la fusion depuis le 1er Janvier 2022 de l’ancien Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et de la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et pour la protection des droits sur internet (HADOPI).

Concrètement, l’ARCOM dispose d’un budget annuel d’environ 50 millions d’Euros et de 350 collaborateurs. Elle est garante de la liberté de communication, veille au financement de la création audiovisuelle et à la protection des droits. Sa régulation s’étend aux plate-formes en ligne, réseaux sociaux et moteurs de recherche.

Aussi appelée parfois le gendarme de l’audiovisuel, sa mission s’étend à l’attribution des fréquences,  notamment de la TNT et des radios.

L’ARCOM est dirigée par un collège de neuf membres :

  • le président, qui est nommé par le président de la république
  • trois membres désignés par le président de l’Assemblée nationale
  • trois membres désignés par le président du Sénat
  • un membre désigné par le vice-président du Conseil d’état
  • un membre désigné par la première présidente de la Cour de cassation

 

L’action récente de L’ARCOM

Un gendarme a le pouvoir de sanctionner. Et l’ARCOM ne s’en est pas privée à l’encontre de Cnews (9 sanctions en 2024) et de C8 (7 sanctions en 2024). Ces 2 chaînes ont été les seules à subir des amendes pécuniaires, pour des montants importants.

La motivation est généralement que les chaînes ont méconnu leurs obligations d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, pour des propos qui sont généralement tenus par des intervenants et qui ne sont pas modérés par le journaliste animateur.

Le renouvellement des autorisations de diffusion de la TNT arrivant à échéance en 2025 a été un autre dossier traité par l’ARCOM, qui a procédé à un large appel d’offres à l’issue duquel les chaînes C8 et NRJ12 ont perdu leur autorisation d’émettre.

A l’appui de cette décision, l’ARCOM a évoqué une motivation plutôt vague : « l’intérêt du public et le pluralisme des courants d’expression socio-culturels ».

Une pétition de soutien à C8 a recueilli un million de signatures, tandis que C8 et NRJ12 ont fait appel devant le Conseil d’état ; mais cela n’a rien changé à l’affaire et le Conseil d’état a confirmé l’exclusion des deux chaînes, qui ont cessé d’émettre le 28 Février 2025.

Les 2 fréquences retirées ont été attribuées d’une part au projet RÉELS TV de Daniel Kretinsky et d’autre part au projet OUEST FRANCE TV issu du groupe OUEST FRANCE.

Enfin, l’ARCOM a pris une autre décision importante en Mai 2025 en reconduisant Delphine Ernotte pour un troisième mandat à la présidence de France Télévisions (mandat de 5 ans).

 

Le contrôle des contenus sur les chaînes

Dans le contexte de polarisation du débat public évoqué en introduction, tous les regards se tournent naturellement vers l’autorité de régulation.

En 2022, l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) avait saisi l’ARCOM en lui demandant la mise en demeure de la chaîne Cnews pour « des manquements à ses obligations légales d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information » pour des propos tenus lors de l’émission l’heure des Pros.

Dans un premier temps, l’ARCOM avait refusé d’agir contre Cnews. RSF avait alors porté l’affaire devant le Conseil d’état, qui avait rendu le 13 Février 2024 une décision globalement favorable à RSF ; la plus haute juridiction administrative avait annulé la décision de non-intervention de l’ARCOM en lui demandant de « prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ».

Pour le Conseil d’état,  « en s’en tenant ainsi à la seule prise en compte du temps d’antenne accordé aux personnalités politiques pour l’appréciation des obligations du service en matière de pluralisme de l’information, l’ARCOM a fait une inexacte application des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 ».

Cette décision du Conseil d’état a été critiquée par différents journalistes et connaisseurs des médias. Elle marque l’extension des prérogatives du régulateur en matière de respect du pluralisme ; l’ARCOM se voit enjointe d’élargir son contrôle au delà des seuls hommes politiques. 

Mais, s’il est relativement facile de décompter le temps de paroles des hommes politiques, le décompte devient bien plus compliqué, et aussi très subjectif, pour ce qui concerne les différents  animateurs, écrivains, philosophes, journalistes et personnalités qui interviennent sur les plateaux.

Faudrait-il donc apposer une étiquette politique sur chaque intervenant afin de savoir comment décompter son temps de parole ?

Comme cela était prévisible, cette décision a ouvert la voie à d’autres demandes de tous bords adressées à l’ARCOM. Et nous assistons à une multiplication des saisines de l’autorité de régulation (112421 saisines sur l’année 2024).

La plupart des grands sujets qui traversent l’actualité font désormais l’objet de contestations devant l’ARCOM.

A titre d’exemples, le traitement de la condamnation de Nicolas Sarkozy a fait l’objet d’une plainte déposée par le député LFI Aurélien Saintoul contre Cnews et Europe 1 ; le traitement éditorial de « l’affaire Legrand-Cohen » a aussi fait l’objet d’une plainte déposée par Radio France et France Télévisions contre les mêmes Cnews et Europe 1.

Notons que si l’objectif est de véritablement respecter les équilibres sur toutes les chaînes et radios, il faudrait aussi s’intéresser, au delà de la couleur politique des intervenants, au choix des thèmes qui sont traités. Et de ce point de vue, les déséquilibres sont patents.

Le 1er Octobre dernier, Martin Ajdari, président de l’ARCOM, présentait son rapport d’activité devant la commission de la culture du Sénat. Un mois après « l’affaire Legrand-Cohen », il a dû reconnaître que la question de l’impartialité du service public se posait.

Il a souhaité que  « chacun s’y retrouve » par rapport à « un service public que tous financent, dont tous doivent bénéficier et dont tous sont propriétaires ». Il a aussi admis que le service public devait faire preuve  « d’introspection sur leurs procédures, leurs formations et la façon dont elles abordent les différents thèmes autour desquels le débat public s’organise, pour que le maximum de Français se sentent représentés sur leurs antennes ».

 

Lorsque la régulation va à l’encontre de la liberté d’informer

En phase avec cette tendance au contrôle généralisé, Aurore Bergé a annoncé en Juillet 2025 la mise en place d’un financement à des associations chargées de faire remonter à l’ARCOM les « contenus haineux » vus sur les médias. Les associations listées par la ministre dans son dispositif sont pour la plupart des associations LGBT ou « anti-racistes », plutôt marquées à gauche.

L’enfer, ou plutôt en l’occurrence l’atteinte à la liberté d’expression, est toujours pavé de bonnes intentions !

Il est d’autres tentatives qui tendent à formater le travail du journaliste et à imposer une auto-censure ; par exemple à l’occasion des assises méditérranéennes du journalisme, qui se sont tenues à Marseille en avril 2025, une trentaine de médias ont signé et ont cherché à imposer une « charte déontologique », ayant théoriquement pour vocation « de répondre aux défis journalistiques liés aux migrations ».

Cette charte prétend orienter le travail des médias selon onze principes. Parmi ces principes, on trouve la recommandation faîte aux journalistes de ne « mentionner l’origine, la religion ou l’ethnie que s’ils estiment que cela est pertinent pour l’information du public », d’être vigilant sur les termes employés afin « d’éviter les amalgames et approximations », de « ne pas invisibiliser les personnes migrantes », de mettre les chiffres et les données statistiques en perspective « afin de lutter contre les stéréotypes ».

La charte recommande également de développer les formations initiales et continues des journalistes sur les questions migratoires en incluant des partenariats avec des ONG, dont nous connaissons l’orientation.

Autrement dit, il s’agit de définir un cadre idéologique restreignant la liberté à délivrer une information transparente, notamment en ce qui concerne les affaires de justice impliquant des personnes d’origine étrangère, de privilégier les récits compassionnels, de diluer les réalités concrètes dans un discours complexe.

 

La Cour des comptes se penche sur l’audiovisuel public

Comme pour mieux poser les questions concernant le service public, il se trouve que la Cour des comptes a publié en 2025 deux rapports sur les deux principales entités que sont Radio France et France Télévisions.

Bien entendu, le travail de la Cour se limite à l’utilisation des fonds publics et ne traite pas de la ligne éditoriale. Mais les constats qui sont faits sur le fonctionnement sont malheureusement clairs.

Arrêtons-nous un instant sur le rapport sur Radio France (environ 652 millions d’Euros de ressources publiques, 4000 collaborateurs permanents et 1000 collaborateurs occasionnels) qui a été remis en Janvier 2025. La Cour donne un satisfecit sur les audiences qui se maintiennent ou augmentent dans certains cas, qui doit cependant être pondéré par un vieillissement du public et une difficulté à toucher les CSP moins. Elle relève aussi la mise en œuvre satisfaisante de plate-formes numériques qui favorisent une nouvelle consommation du média Radio (activité podcasts et formats courts).

Mais le rapport met en avant « La gestion des ressources humaines, d’une rare complexité de statuts et d’organisations, résulte de la sédimentation d’un grand nombre d’accords d’entreprise, qui font apparaître une différence marquée entre la situation avantageuse des salariés permanents et celle précaire des autres collaborateurs », avec des congés qui atteignent selon les statuts entre 12 et 14 semaines par an.

L’entreprise se caractérise par «l’intensité du dialogue social». Pas moins de 44 instances CSE et CSSCT, ainsi que 36 commissions spécialisées, sont réunies chaque année de façon obligatoire.

«Toutes les transformations affectant l’outil de production, les conditions de travail, ou les éléments constitutifs du contrat de travail, font l’objet en règle générale d’une présentation aux instances représentatives du personnel (IRP), d’une négociation et d’un accord collectif. ».

Le rapport évoque aussi le coût des formations musicales et de l’interminable chantier de la maison de la Radio et conclut sans surprise que « ce cadre social freine l’adaptation de l’entreprise ».

Le rapport sur France Télévisions (environ 2,6 milliards de ressources publiques et 8900 salariés) publié en Septembre 2025 est à l’avenant ; malgré certaines restructurations déjà réalisées, la Cour alerte sur la situation financière actuelle qui fait courir un risque de dissolution de l’entreprise, et met en avant le poids des charges d’exploitation, une rigidité en matière de gestion des ressources humaines et l’insuffisance de suivi de certains coûts.

Le rapport juge « étonnantes » certaines pratiques et certains frais, et conclut à « une situation financière non soutenable sans réformes structurelles majeures.».

La contribution à l’audiovisuel public, ou redevance TV, avait été supprimée en 2022, pour faire suite à une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron. Le service public (France Télévision, Radio France, Arte, France Médias Monde c’est à dire RFI et France 24, l’INA, TV5 monde), est maintenant financé par une fraction de la TVA, à hauteur d’environ 4 milliards d’Euros.

La suppression de la redevance avait sa logique ; mais elle rend aujourd’hui le financement de l’audiovisuel public plus apparent et visible que le financement par une ressource propre fléchée, ce qui expose davantage ledit service public.

 

Le projet de réforme de l’audiovisuel public

L’audiovisuel public fonctionne aujourd’hui sous le régime de la loi Léotard de 1986.

Au vu des bouleversements rapides du secteur, l’intérêt d’une réforme était apparu dés 2019. Mais le projet avait été plusieurs fois reporté, suite à la crise du COVID, puis à l’élection présidentielle. 

Le projet prévoit de créer un pôle puissant, avec une gouvernance commune. Dans un premier temps, une holding « France Médias » serait créée, avec un capital détenu à 100% par l’état, pour regrouper les composantes de l’audiovisuel public. Puis un an après le regroupement, soit un calendrier très serré, le projet prévoit la fusion de toutes les entreprises regroupées. Le nouvel audiovisuel public comporterait trois pôles ; l’international, le national et le local.

La philosophie du projet est d’aider le service public à s’adapter à la concurrence et aux évolutions du secteur, et de veiller à la complémentarité et à la cohérence des programmes. La nouvelle holding aura aussi pour mission de rechercher des synergies, des mutualisations de moyens et des suppressions de doublons. La BBC britannique est citée en exemple sur certains aspects.

Certains détracteurs du projet font remarquer que la conséquence sera de créer encore une couche supplémentaire dans les organigrammes, au moins dans un premier temps. Et que dans d’autres situations plus ou moins comparables, par exemple les inter-communalités, le regroupement et la mutualisation théorique des moyens n’ont pas toujours permis de réaliser les économies escomptées.

Ernotte ne s’est pas montrée défavorable au projet, tandis que les syndicats y sont farouchement opposés.

Le parcours législatif du texte à date est le suivant ; proposition de loi déposée au Sénat en Avril 2023 ; adoptée en première lecture par le Sénat en Juin 2023 ; retardée suite à la dissolution de Juin 2024 et à la chute du gouvernement en Décembre 2024 ; rejetée par l’assemblée nationale en Juin 2025 ; adoptée en deuxième lecture par le Sénat en Juillet 2025.

Le texte, modifié depuis ses débuts, devrait être examiné prochainement en deuxième lecture par l’assemblée nationale. Mais les contraintes de l’agenda parlementaire ainsi que le contexte gouvernemental incitent à la prudence sur ce point.

Par ailleurs, Eric Ciotti avait demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire « sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public » après la diffusion des vidéos de l’affaire Legrand-Cohen. Cette demande a été jugée recevable le 21 octobre dernier. Après la désignation d’un président et d’un rapporteur, la commission aura 6 mois pour mener ses travaux.

Projet de loi, commission d’enquête … il est probable que l’avenir de l’audiovisuel public occupera encore une place importante dans l’actualité des prochains mois.

 

Conclusion

En définitive, ce tour d’horizon permet de dégager plusieurs questions de fond ;

  • jusqu’où doit aller la régulation de l’audiovisuel ?

L’ARCOM, qui est pourtant dotée d’un réel pouvoir de sanction, se retrouve sur une ligne de crête et dans un rôle d’arbitre qui risque d’être compliqué à tenir pour une autorité administrative.

  • comment garantir la pluralité des opinions et protéger la liberté d’expression ?

La tendance au contrôle croissant des chaînes de la TNT et des radios contraste avec la dérégulation relative qui prévaut sur le net, et aussi avec le principe consacré de « liberté de la presse », jamais remis en question depuis une loi de 1881.

  • quelle place pour le service public ? Quelles obligations particulières en matière de neutralité et de pluralisme ? Et quelles sont les obligations de service public qui doivent en principe venir en contrepartie des avantages : couverture du territoire, continuité du service, programmation sur la culture, la politique, le patrimoine…