Région PACA : une puissance économique freinée par l’insécurité

Région PACA : une puissance économique freinée par l’insécurité
28 novembre 2025 Olivier Debeney
  • par la commission Sud-Est du CRSI

Un enjeu stratégique pour la décennie à venir

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) occupe une place singulière dans le paysage économique français. Longtemps perçue comme terre de tourisme, de savoir-faire et d’innovation, elle est aujourd’hui confrontée à une menace silencieuse, non budgétée, mais redoutablement efficace : le coût économique de l’insécurité.

Si la question sécuritaire a longtemps été considérée comme un débat politique ou médiatique, elle est désormais devenue un déterminant économique majeur, capable d’influencer l’implantation des entreprises, de peser sur le tourisme, et de remodeler les trajectoires de développement territorial. Cet article propose d’éclairer ce phénomène et d’en comprendre les enjeux.

I — PACA, un pilier économique incontestable

En 2022-2023, PACA représente environ 196 milliards d’euros de PIB, soit plus de 7 % de la richesse produite en France. À ce titre, elle rivalise avec des régions industrielles ou métropolitaines de premier plan. Son PIB par habitant, autour de 38 000 euros, la situe parmi les régions les plus performantes hors Île-de-France, confirmant l’existence d’un tissu économique dynamique et attractif.

Ce dynamisme s’explique par une structure particulière :

• une économie largement tertiarisée, où les services marchands, le tourisme, la santé, l’éducation et le commerce constituent les principaux moteurs ;

• une industrie présente mais minoritaire, concentrée sur des filières stratégiques (aéronautique, énergie, santé, maritime) ;

• une économie résidentielle forte, favorisée par l’attrait climatique, patrimonial et culturel du territoire.

 

PACA bénéficie d’atouts rares :

• une façade méditerranéenne ouverte sur l’Europe du Sud et la Méditerranée élargie,

• des infrastructures majeures (ports, aéroports, pôles logistiques),

• un capital marque puissant : Provence, Côte d’Azur, Alpes.

À première vue, tous les indicateurs convergent : PACA est, objectivement, une région gagnante.

 

II — L’insécurité : une taxe invisible sur la croissance

Pourtant, un phénomène fragilise ce succès. Il ne frappe pas en une fois, ne porte pas de signature comptable claire, mais agit en continu : l’insécurité.Contrairement à une idée reçue, l’insécurité ne détruit pas uniquement du capital social ou de la tranquillité publique ; elle amoindrit la compétitivité territoriale. Elle agit comme une taxe invisible, prélevée sans vote, sans décret, et dont le taux augmente à mesure que progresse le sentiment d’abandon.

Ses effets touchent plusieurs piliers économiques structurants :

a — Le tourisme, vitrine et poumon régional

Chaque événement violent, chaque vol médiatisé, chaque quartier évité par les visiteurs a un prix. Le tourisme ne se contente pas de vendre des paysages — il vend une promesse : celle de l’expérience. Si cette promesse se fissure, la valeur perçue s’effondre.

b — Les entreprises et les PME

Les dirigeants font désormais état de surcoûts liés à la sécurité : alarmes, vidéosurveillance, assurances plus chères, pertes d’exploitation, actes de vandalisme. Lorsque ces coûts deviennent récurrents, ils influencent trois variables clés : l’embauche, l’investissement et la localisation. Et lorsqu’une entreprise doit choisir entre deux territoires, la sécurité devient un critère rationnel — non idéologique.

c — L’immobilier et l’attractivité résidentielle

L’insécurité entraîne :

• une baisse de la valeur perçue d’un quartier,

• une moindre présence de commerces de proximité,

• une dégradation lente du tissu social.

Or, on n’investit pas dans un territoire que l’on croit instable. Les marchés immobiliers réagissent d’abord par le gel, puis par la fuite.

 

III — PACA face à une concurrence territoriale exacerbée

L’époque est révolue où les régions françaises vivaient en vase clos. L’attractivité est devenue un marché, et chaque territoire défend son offre. Des régions moins exposées médiatiquement à l’insécurité — Normandie, Bretagne, Centre-Val de Loire — se positionnent aujourd’hui comme refuges économiques :

• charges moindres,

• qualité de vie supérieure,

• perception sécuritaire favorable.

Elles gagnent silencieusement des investissements, des talents, des familles — autant de moteurs de croissance qu’une région comme PACA ne peut se permettre de perdre. L’insécurité ne fait pas reculer uniquement les touristes : elle fait reculer les prospectives.

 

IV — Déclic stratégique : ce que PACA doit comprendre

PACA ne manque ni d’infrastructures, ni de compétences, ni de potentiel. Ce qu’elle risque de perdre, si rien ne change, c’est la confiance — ce ciment invisible entre citoyens, entreprises, investisseurs et territoires. La réponse à apporter n’est pas seulement policière : elle doit être économique, urbanistique et stratégique.

Elle passe par :

• une coordination régionale sur les enjeux de sécurité économique,

• une meilleure prévention dans les zones touristiques et urbaines,

• une analyse régulière des impacts économiques de l’insécurité,

• une communication claire, assumée et mesurée.

 

Conclusion : la bataille à ne pas perdre

PACA demeure une région puissante. Elle possède des ressources humaines, géographiques et culturelles incomparables. Mais la puissance ne garantit pas la trajectoire. L’insécurité agit comme une ponction silencieuse sur le PIB régional. Elle ne détruit pas d’un coup : elle grignote, puis détourne, puis déshabille les territoires les plus exposés.

Le jour où un territoire cesse d’être choisi, le déclin commence — et il ne se voit que trop tard. La question, désormais, n’est plus de savoir si l’insécurité existe, mais combien elle coûte et combien elle fera perdre si l’on tarde à agir. PACA a déjà les cartes en main. Reste à savoir si elle les jouera à temps.