La sécurité civile, composante méconnue de la sécurité intérieure

La sécurité civile, composante méconnue de la sécurité intérieure
1 décembre 2025 Olivier Debeney

– Par Patrick Hertgel, Médecin sapeur-pompier urgentiste à la BSPP, et maître de conférence à  SciencesPo Paris.

La sécurité civile constitue une composante généralement inattendue, et souvent méconnue, de la sécurité intérieure. Habituellement, la sécurité civile est plutôt regardée comme une force distincte de la sécurité intérieure : la première répondant schématiquement aux événements accidentels tandis que la seconde faisant face aux atteintes intentionnelles portées à l’ordre social.

En réalité, elle constitue pourtant un autre versant de la sécurité intérieure qui vient compléter les forces de sécurité publique, armées, dotées de prérogatives de puissance publique et de capacités de coercition.

C’est le droit positif en vigueur qui vient en premier lieu établir cette appartenance puisque ses principales dispositions relatives à la sécurité civile sont codifiées au livre VII du code de la sécurité intérieure. La sécurité civile y est préalablement définie à l’article L112-1 qui dispose qu’elle «  […] a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. Elle concourt à la protection générale des populations, en lien avec la sécurité publique au sens de l’article L. 111-1 et avec la défense civile […]. »

Nous pouvons donc nous pencher brièvement sur les moyens et les missions des forces de sécurité civile en France.

 

Des moyens relevant largement de l’engagement citoyen 

Il convient tout d’abord de relever qu’aux termes de la loi « Toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile. En fonction des situations auxquelles elle est confrontée et dans la mesure de ses possibilités, elle veille à prévenir les services de secours et à prendre les premières dispositions nécessaires ».

Chaque citoyen est ainsi le propre acteur de sécurité civile et ce concept est central dans la résilience nationale. Contrairement aux forces chargées de la sécurité publique qui constituent des administrations de l’État, civiles ou militaire, les moyens de la sécurité civile relèvent de divers statuts et pour une grande part des collectivités territoriales. Son administration centrale se trouve naturellement au ministère et l’intérieur à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

La DGSCGC, outre ses missions classiques de conception des politiques publiques, de coordination des acteurs et de production normative, gère également un centre opérationnel de gestion interministérielle et crises (COGIC) et dispose d’un état-major qui exerce une autorité directe sur des moyens nationaux déconcentrés de sécurité civile : les régiments d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (RIISC), les moyens aériens (avions et hélicoptères), les services de déminage et des établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL).

Cependant, l’essentiel des capacités opérationnelles de la sécurité civile ne relève pas directement de l’État mais se trouve dans les services d’incendie et de secours (SIS) dont l’organisation répond à modèle original à deux égards : une gouvernance bicéphale d’une part et un important recours au volontariat d’autre part. La majorité du territoire national est défendue par des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) à l’exception de la région parisienne et de la ville de Marseille. La Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une grande unité de l’Armée de terre, appartenant à l’arme du génie et placée à la disposition du préfet de police pour l’accomplissement des missions de sécurité civile. Le Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille, relevant de la Marine nationale, relève quant à lui du maire de Marseille pour son financement et son emploi.

A l’exceptions de ces deux unités militaires, les SIS sont portés par des établissements administratifs territoriaux disposant d’une personnalité juridique et d’un conseil d’administration présidé de droit par le président du conseil départemental. Leurs ressources proviennent majoritairement des contributions du département ainsi que des communes et intercommunalités. C’est ainsi que la première originalité de ce modèle réside dans cette distinction entre les autorités de gestion, le conseil d’administration du SDIS, et d’emploi, le maire et le préfet du département principalement.

La seconde originalité se trouve dans la composition des ressources humaines puisque 80% des sapeurs-pompiers des SDIS sont des volontaires tandis que seuls 20% sont des professionnels. Les sapeurs-pompiers volontaires effectuent environ les deux-tiers des missions des SDIS ; ils exercent leur activité au titre d’un engagement qui nécessite une disponibilité souvent exigeante. Les SDIS emploient également des personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS)

Le maintien de cette disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires est menacé par des contraintes réglementaires, notamment issues du droit européen qui tend à les considérer comme des travailleurs du fait notamment de leur indemnisation et du lien de subordination existant avec leur service. Il est également affecté par le fréquent éloignement du lieu de travail du lieu de résidence : il est ainsi difficile de disposer de sapeurs-pompiers volontaires disponibles aux heures ouvrables.

Au total, on dénombrait au 31 décembre 2023 en France 256 446 sapeurs-pompiers parmi lesquels 200 046 volontaires, 43 448 professionnels et 12 952 militaires. 

 

Des missions élargies et répondant aux enjeux sociétaux

Les missions de sécurité civile relèvent de l’exercice de la police administrative et sont donc placées sous la direction de l’autorité compétente en la matière : le maire, le préfet et le premier ministre (ou par délégation le ministre de l’Intérieur) selon leur périmètre et leurs enjeux.

Historiquement, la première mission de sécurité civile a constitué dans la lutte contre les incendies puis dans la réponse aux accidents, sinistres ou catastrophes. Progressivement, les sapeurs-pompiers se sont vus également confier les secours et les soins d’urgences aux personnes qui constituent actuellement les missions les plus nombreuses et, à plusieurs égards, parmi les plus dimensionnantes.

Les SIS assurent ainsi la protection des personnes, les animaux, des biens et de l’environnement en répondant aux risques courants, du quotidien, ainsi qu’aux risques particuliers, moins fréquents mais aux conséquences plus sévères.

Parmi ces risques particuliers, on distingue classiquement les risques naturels, les risques technologiques et les risques sociaux. Les forces de sécurité civile sont ainsi amenées à faire face aux phénomènes climatiques, aux feux d’espaces naturels, aux accidents industriels et aux attentats, troubles sociaux et violences urbaines. Les changements climatiques, les mouvements sociaux et les conflits armés entraînent une augmentation notable de ce type de situations.

L’inclusion de la sécurité civile au sein de la sécurité intérieure ne constitue pas uniquement une construction intellectuelle mais se manifeste également dans le fonctionnement et l’activité des services.

 

Patrick Hertgen