Données issues du rapport Interstats Analyse n°78 – Déc. 2025
L’étude statistique conduite par le SSMSI dresse un panorama très documenté de l’évolution des infractions liées aux stupéfiants en France depuis 2016. Elle met en évidence une hausse continue des mis en cause, un poids écrasant du cannabis, et une progression spectaculaire de la cocaïne et des drogues de synthèse, bouleversant l’équilibre historique du marché illicite des drogues.
1. Un niveau d’interpellations historiquement élevé
Selon le rapport, 2024 marque un sommet dans les procédures enregistrées par police et gendarmerie :
- 290 400 mis en cause pour usage, en hausse constante depuis 2016
- 52 300 pour trafic, soit +6 %/an en moyenne depuis 2016
- 68 % des usagers sanctionnés par AFD (196 400 personnes) suite à la réforme de 2020
➤ Concrètement : 1 Français est interpellé pour usage de stupéfiants toutes les 2 minutes.
Le rapport souligne que cette augmentation s’inscrit dans un contexte d’usage en hausse depuis plus de 15 ans, notamment pour le cannabis mais aussi pour certaines drogues illicites émergentes .
2. Cannabis : socle du marché, massivement majoritaire
Le cannabis demeure la première drogue enregistrée dans l’ensemble des infractions.
- 92 % des mis en cause pour usage
- 78 % pour trafic
→ plus de 300 000 personnes impliquées en 2024
Le rapport insiste sur la prépondérance de la résine, identifiée dans :
- 87 % des cas pour trafic
- 78 % pour usage
➤ Une économie structurée, accessible, et portée par des profils très jeunes :
22 % des trafiquants sont mineurs – âge médian 21 ans.
3. Cocaïne : progression fulgurante et montée en puissance
L’étude note un changement majeur depuis 2016, avec une accélération du marché de la cocaïne.
- Trafic : +176 % en 9 ans → presque triplé
- 21 900 mis en cause trafic / 29 500 usage en 2024
La géographie du phénomène est marquée :
Guyane : 300 mis en cause pour trafic pour 100 000 habitants (≈1 pour 340 habitants) .
➤ La cocaïne devient la deuxième drogue du marché, mais la première en dynamique.
4. Crack : niche numériquement, enjeu social et sécuritaire majeur
Le rapport distingue le crack du reste de la cocaïne, du fait de ses profils spécifiques et sa localisation extrême.
- 900 mis en cause trafic / 1 600 usage – faibles volumes, mais :
→ >50 % des faits commis à Paris
→ 41 % des usagers et 47 % des trafiquants étrangers, majoritairement africains
➤ Concentration urbaine + précarité = pression sociale forte et visible.
5. Drogues de synthèse : montée rapide, souvent en poly-usage
Le rapport met en lumière une croissance très marquée :
- Ecstasy/MDMA : +118 % trafic depuis 2016
- Usage kétamine ×5 ; cathinones (3-MMC) ×11
Profil très différent du cannabis :
83 % des consommateurs d’ecstasy sans AFD consomment un autre produit,
89 % des trafiquants d’ecstasy multi-produits .
➤ Un marché festif devenu structuré, connecté aux réseaux, en hybridation avec cocaïne/cannabis.
6. Profils sociologiques des mis en cause
Le rapport indique une jeunesse très marquée, surtout pour le cannabis.
- Usage cannabis → âge médian 24 ans
- Trafiquants cannabis → 79 % ont moins de 30 ans
- Femmes ~8 % à 10 % selon produit (sous-représentation nette)
- Étrangers → 22 % des mis en cause trafic (vs 8 % population générale)
Pic particulier :
Crack : 47 % trafiquants étrangers / 41 % usagers → phénomène très segmenté.
À retenir
- 2024 = volume d’interpellations record
- Cannabis = 9 usages interpellés sur 10
- Cocaïne = +176 % de trafic depuis 2016 = basculement de marché
- 3-MMC ×11 → signal fort de mutation vers la synthèse
- Les trafiquants cannabis ont 21 ans en médiane
- Crack : Paris concentre >50 % des faits → enjeu ciblé