Attentat à Sydney, ce que l’on sait

Attentat à Sydney, ce que l’on sait
19 décembre 2025 Olivier Debeney

– Par Aurélien Jean, membre du CRSI

 

1. Ce que l’on sait des faits

  • Date : dimanche 14 décembre 2025, 18h47 (07h47 GMT).
  • Lieu: Bondi beach, ville de Sydney, Nouvelle-Galles-du-Sud (NSW -Australie) (localisation exacte ici).
  • Evènement particulier à ce lieu et cette heure : célébrations de la fête juive de Hanoukkah, qui dure usuellement huit jours et est aussi appelée « la fête des lumières juive ».
  • Nombre de victimes : 15 morts, dont une fille de 10 ans, un citoyen français et un survivant de la Shoah, et 42 blessés(dont 23 encore hospitalisés).
  • Réponse des services de secours et de police : réponse rapide, connaissance dès le départ de la notion d’armes à feu, d’une fête juive et de multiples victimes. L’application des procédures visant à limiter le déplacement des terroristes, les isoler, et à prioriser l’évacuation des personnes semble avoir été effectuée dans les règles. Deux agents de police ont en outre été blessés dans l’échange de tirs dont l’un, en service depuis quatre mois à peine, a été atteint deux fois et a perdu l’usage d’un œil. Au total, 328 policiers ont été mobilisés sur cette intervention.

Les assaillants étaient postés sur un pont afin de pouvoir tirer sur les fidèles rassemblés en contrebas, sur une esplanade, et ont déambulé afin de commettre leurs assassinats. L’une des armes utilisées semble être un fusil de chasse2 tandis que des vidéos montrent le père – bien moins à l’aise que le fils -manier un fusil à pompe.

Pendant l’attentat, un acte de courage d’un passant a été particulièrement remarqué. Ahmed al Ahmed (A3), commerçant de 43 ans d’origine syrienne installé en Australie depuis plusieurs années, s’est interposé et a réussi à désarmer l’un des individus (le père) en le prenant de dos. Ce dernier a toutefois reculé et a pu aller récupérer sur le pont une autre arme. A3 a été blessé par la suite et transporté à l’hôpital.

A noter une augmentation des actes antisémites en Australie depuis le 7 octobre 2023 (2000+ en 2023-2024 et 1650+ en 2024-2025), soit quatre à cinq fois plus que les niveaux recensés avant l’automne 2023.

 

2. Ce que l’on sait des auteurs

  • Sajid Akram (SA) –le père –50 ans -abattu par la police. Arrivé en Australie en 1998 avec un visa étudiant, transformé en 2001 en un visa de résidence pérennisé par la suite, commerçant primeur. En tant que membre d’un club de tir, il était titulaire –légal et sans histoire – d’un permis pour six armes à feu, qui ont toutes été utilisées. La licenceavait été délivrée en 2023 (première tentative en 2015 rejetée car il manquait une photo d’identité au dossier). Le passif de son fils ne semble pas avoir été pris en compte.
  • Naveed Akram (NA) –le fils –24 ans -grièvement blessé et transporté à l’hôpital dans un état critique tout en restant sous surveillance policière renforcée. Né en Australie, maçon au chômage. En 2019, son attitude avait éveillé l’attention du JCTT, un organe de surveillance des profils potentiellement terroristes qui rassemble servies de renseignement, police fédérale et polices des Etats fédérés. A l’époque, le tout jeune majeur n’avait néanmoins pas été catégorisé comme pouvant représenter une menace imminente ni même que sa radicalisation était avancée.

Malgré le fait qu’ils semblent avoir prêté allégeance à l’EI, aucune preuve de complicité n’existe à ce stade, ni d’appartenance claire à une organisation structurée. Ils vivaient dans l’Etat de NSW. Dans la voiture des assaillants, et en plus des armes et des munitions ayant servi à la fusillade, des engins explosifs artisanaux et deux drapeaux de Daesh ont été retrouvés.

Les motivations semblent donc être clairement de nature terroriste et islamiste, dixit le PM australien (Anthony Albanese). Les deux individus avaient suivi en 2019 des cours de récitation du Coran (Tawjeed), ce qui avait valu au fils d’apparaitre dans les radars des services de renseignements australiens (ASIO). Ceci, en raison du lien de ces cours avec deux membres de l’Etat islamique arrêtés en 2019, entre autres pour propagande et projet d’acte terroriste en Australie. Les deux individus sont, d’après la chaine australienne ABC, Isaac El Matari auto-déclaré commandeur de l’EI dans le pays – et Radwan Dakkak; et dorment actuellement en prison. La presse et les réseaux sociaux mentionnent en outre nommément l’Institut Al-Murad de Sydney, qui organise des activités en lien avec la « connaissance » du Coran et délivre même des attestations de réussite en ce sens. L’un des imams ayant enseigné à SA, Sheikh Adam Ismail, précise condamner les actes et n’est, lui, pas inquiété par les autorités.

D’après le Guardian, le fils a aussi eu des liens avec plusieurs mouvances de prédication islamique :

  • En 2019, il participe à un groupe de prédication de rue (street Dawah movement) visant à promouvoir l’islam aux passants. Une vidéo YouTube (depuis supprimée) le montre affirmant à deux adolescents que la prière et les cinq piliers de l’islam sont « plus importants que tout le reste. Le travail, les études ». Il distribuait aussi des tracts. Le mouvement en question précise que SA n’a jamais été membre du groupe mais participait « activement [aux] programmes de sensibilisation à la foi musulmane, organisés par des bénévoles le dimanche » et « s’était porté volontaire pour réaliser une vidéo ».
  • Des liens ont également été établis entre SA et le prédicateur islamiste radical Wisam Haddad. L’avocat de ce dernier nie cependant tout lien ou toute connaissance de son client avec l’attentat. Pour rappel, Wisam Haddad avait vu plusieurs de ses publications sur les réseaux sociaux être supprimées par la justice en raison de leur caractère raciste et antisémite.

De plus, les services australiens pensent que le père et son fils ont suivi en novembre 2025 un entrainement de type militaire dans le sud des Philippines–ce que les autorités locales ont confirmé. Arrivées le 01/11/25via un vol opéré par une compagnie philippine, ils sont repartis vers Sydney (via Manille) le 28/11/25. Si le fils a utilisé son passeport australien, le père est entré aux Philippines avec des papiers indiens. Cette région, notamment la ville de Davao, est connue pour être un foyer d’extrémisme djihadiste ; ayant déjà donné lieu à de très violents affrontements entre terroristes et forces de sécurité par le passé. L’île de Mindanao abrite notamment depuis les années 1990 des camps d’entrainements islamistes précédemment installées en zone afghano-pakistanaise. Les raisons précises du voyage, son déroulé et les personnes rencontrées à cette occasion sont encore en cours d’investigation.

 

3. Ce que l’on sait des suites

Les deux individus avaient déclaré à leurs proches s’absenter pour un week-end de pêche, et avaient loué sur Airbnb une résidence à 40 minutes du lieu de la fusillade (Brighton avenue, Sydney). Des caméras de surveillance ont filmé leur départ permettant de reconstituer leur itinéraire. La famille et le voisinage ne semblaient manifestement au courant de rien. Des perquisitions ont été menées par la police australienne au domicile des auteurs (Bonnyrigg, sud-ouest de Sydney) ainsi qu’au airbnb et des membres de la famille ont été interrogés.

En matière judiciaire, le fils – seul survivant – a formellement été inculpé le 17 décembre 2025 de 59 chefs d’inculpation dont 15 pour assassinat, 40 pour blessures volontaires et une pour acte de terrorisme. Ceci, alors que les premières funérailles ont pu se tenir.

L’attentat a relancé le débat sur la possession d’armes en Australie. Ceci alors que le pays compte 4 millions d’armes (15 pour 100 habitants) mais qu’il n’y a pas de chiffres officiels sur le sujet. Le PM veut ainsi durcir la possession d’armes à feu en pointant le fait que la radicalisation peut intervenir rapidement, et donc que les licences de possession ne devraient plus être délivrées à vie. Il est aussi évoqué la limitation du nombre d’armes détenues par personne, le conditionnement de l’acquisition à la citoyenneté australienne ou encore l’accélération des travaux autour du registre national des armes à feu. Aussi, des initiatives prises dans les Etats fédérés peuvent se révéler insuffisantes, faute de coordination et de partage d’informations (permis de détention d’armes, d’achat de munitions…). Au global, la politique australienne en matière de contrôle de la circulation des armes est moins stricte qu’en Europe.

L’ensemble de la classe politique australienne s’accorde sur la lutte contre les extrémismes et l’antisémitisme. Seule la droit radicale – One Nation Party – appelle à accélérer l’emprisonnement de « n’importe qui qui sympathise avec l’islamisme radical ». Les réactions des dirigeants internationaux sont, sans surprise, unanimes – déplorant et condamnant l’attentat.

Au-delà du choc mondial et des scènes de fraternité interreligieuse en Australie, notamment via des rassemblementsspontanés, le pays cherche des réponses à ses questions. En attendant, il a trouvé en A3 un héros qui a réussi, sans doute, à sauver plusieurs vies par son acte. La famille du policier sérieusement blessé veut aussi louer son courage et les difficultés de sa reconstruction physique et mentale.

Rappelons que, pour l’Australie, il s’agit de la pire tuerie depuis le massacre de Port Arthur en 1996.