
Les pouvoirs de police du maire : un levier essentiel de la sécurité locale
Les pouvoirs de police du maire en France sont principalement régis par l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Cet article définit les responsabilités du maire en matière de sécurité, de tranquillité publique, de salubrité et de bon ordre sur le territoire de sa commune. Concrètement, cela inclut des domaines comme la circulation routière, le maintien de l’ordre public (hors manifestation), la lutte contre les nuisances, la salubrité publique et la sécurité des édifices.
Par Thomas Soulier, adjoint au Maire en charge de la sécurité et de tranquillité publiques à Mont-Saint-Aignan (76) & Membre du CRSI
Police administrative, police judiciaire, une dénomination semblable mais des missions bien différentes
En droit, la notion de police désigne la mission par laquelle la puissance publique protège la société, la façon dont elle maintient ce que l’on appelle “l’ordre public”.
Il faut être attentif car ce terme de “police” est ambigu. Il désigne en réalité deux types de missions très différentes : la police administrative et la police judiciaire.
La police administrative se rapporte à la préservation de l’ordre public, afin qu’il ne soit pas troublé ; on est dans l’anticipation.
La police judiciaire, en revanche, a une mission à la fois proche et différente de la police administrative parce qu’elle intervient lorsque l’ordre public a déjà été troublé.
Dans le cas d’un vol par exemple, la police judiciaire est chargée d’identifier les auteurs de l’infraction commise et, le cas échéant, de les appréhender pour qu’ils soient jugés.
En résumé, la police administrative a une finalité préventive tandis que la police judiciaire a un dessein répressif. Les deux notions peuvent sembler proches puisqu’on y retrouve le mot “police”. Néanmoins, elles désignent deux types d’actions de la puissance publique tout à fait différentes, tant dans leur finalité que dans leurs modalités (personnels, règles, juges…).
La police administrative vise à maintenir l’ordre public. Comment définir cette notion ?
Depuis le XIXe siècle, l’ordre public comporte trois branches : la sécurité, la salubrité et la tranquillité. La sécurité désigne l’absence d’atteinte aux biens et aux personnes ; par exemple le fait de ne pas se faire agresser dans la rue, ne pas se faire voler ou dégrader ce qui nous appartient.
La puissance publique doit ainsi garantir à ses citoyens la sécurité. La seconde branche, la salubrité, fait référence aux mesures destinées à préserver la santé de la population.
Souvenez-vous, pendant la crise Covid, de très nombreuses mesures de police ont été prises pour protéger la santé de la population comme le port du masque ou la limitation des déplacements.
La troisième composante enfin, la tranquillité publique, est le fait de garantir aux citoyens un cadre de vie paisible, sans tapage nocturne par exemple.
Quelles sont donc les prérogatives du maire en matière de sécurité, salubrité et de tranquillité publique ?
La loi du 14 décembre 1789 expliquait que le pouvoir municipal avait la charge “de faire jouir les habitants de la commune des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité et de la tranquillité dans les rues”.
Cela signifie que le maire, depuis très longtemps, est l’autorité compétente pour prendre les mesures de police administrative visant à protéger l’ordre public au sein de la commune.
Deux exceptions existent : lorsqu’il y a une menace à l’ordre public au-delà de l’échelle communale, le préfet devient compétent ; si le risque excède plusieurs départements, c’est le Premier ministre qui en porte la responsabilité.
En clair, le maire joue un rôle essentiel puisqu’il est en première ligne.
Pour accomplir cette mission nécessairement préventive on l’a vu, le maire peut prendre des décisions contraignantes : on les désigne souvent sous le nom d’arrêtés de police.
En complément de ces actes juridiques obligatoires, la police administrative peut s’accomplir par des actes matériels, grâce aux agents de police municipale, pour les communes qui en sont dotées.
Concrètement, à quel moment le maire peut-il faire usage de ses pouvoirs de police ?
C’est essentiellement en prenant des arrêtés que le maire va accomplir ses missions de police. Création d’une zone à 30 km/h aux abords des établissements scolaires, interdiction d’utiliser des engins à moteur le week-end, horaires d’ouverture d’un parc municipal…
Les mesures prises par le maire doivent préserver l’ordre public d’une éventuelle atteinte. Mais attention, le maire n’a pas les pleins pouvoirs. Ces mesures doivent être strictement limitées à ce qui est indispensable à la préservation de l’ordre public.
Le juge administratif y veille et peut annuler toute mesure de police prise par le maire qui serait trop large, excessivement contraignante, par rapport aux libertés publiques.
Ainsi le maire, en matière de prévention de l’ordre public, est constamment obligé de concilier la nécessité de préserver l’ordre public et en même temps l’interdiction qui lui est faite par le juge administratif de prendre des mesures qui seraient trop contraignantes pour les citoyens.
Policier municipal : un « statut juridique particulier »
L’agent de police municipale est à la fois mentionné dans le code de procédure pénale comme agent de police judiciaire adjoint (APJA) qui seconde les officiers de police judiciaire (OPJ -> police nationale), et dans le CGCT, comme relevant de l’autorité du maire (via les arrêtés) et de la hiérarchie interne à la collectivité.
Sa position est des plus délicates à définir, en particulier lorsque les directives ou demandes émanant de ces deux hiérarchies peuvent s’avérer contradictoires.
Les policiers municipaux sont régis par l’article 21-2 du Code de procédure pénale (CPP). Cet article leur confère le statut d’agents de police judiciaire adjoint (APJA) mais les place dans un cadre spécifique par rapport aux autres catégories d’APJ. Voici quelques points de précision pour mieux comprendre leur rôle et leurs limites :
- Statut d’APJ sous autorité de l’OPJ : Les policiers municipaux, bien qu’ayant le statut d’APJ, exercent leurs fonctions sous l’autorité d’un Officier de Police Judiciaire (OPJ) territorialement compétent. Cela signifie qu’ils sont tenus de signaler certaines infractions et de rendre compte aux OPJ des actions effectuées dans le cadre de leurs missions.
- Compétences limitées : Contrairement aux autres APJ de l’article 21, les policiers municipaux ont des compétences limitées. Ils ne peuvent pas mener d’enquêtes judiciaires de manière autonome et leurs actions sont principalement axées sur la constatation de certaines infractions et sur des missions de police administrative (comme la sécurité et la tranquillité publique).
- Missions de constatation : Ils sont habilités à constater certaines infractions, principalement en matière de réglementation locale, d’urbanisme, de circulation et de tranquillité publique. Ils peuvent, par exemple, dresser des procès-verbaux pour des infractions spécifiques (stationnement, vitesse, nuisances, etc.).
Collaboration avec la Police et/ou la Gendarmerie : Dans leurs missions d’OPJ, les policiers municipaux collaborent fréquemment avec les forces de la police nationale et de la gendarmerie. Ils n’ont cependant pas la compétence pour mener des actes d’enquête judiciaire en matière criminelle, qui restent du ressort des OPJ.
Cas particulier « du relevé d’identité » d’un contrevenant
Conformément à l’article 78-6 du Code de procédure pénale, lorsque les agents de la police municipale sont amenés à « relever » l’identité d’un contrevenant pour dresser les procès-verbaux de contraventions qu’ils sont habilités à relever, et que ce dernier refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier son identité, ils en rendent compte immédiatement à l’officier de police judiciaire territorialement compétent qui jugera de la situation.
Si l’OPJ leur ordonne de lui présenter le contrevenant, les agents de la police municipale le transportent dans un véhicule sérigraphié de la police municipale et le conduisent directement à un poste de police nationale indiqué.
Coordination opérationnelle entre « police municipale » et « police nationale »
La police nationale et les acteurs du territoire, dès lors qu’un problème de sécurité se pose dans un quartier, des groupements de partenariat opérationnel (GPO) sont mis en œuvre pour le résoudre de façon collective.
Pilotés par la police nationale, en lien avec la police municipale, ils associent les acteurs concernés, tels que les commerçants, les syndicats de copropriétés, les bailleurs sociaux, les riverains…etc.
Au fil des mois, différentes actions peuvent être entreprises, parmi lesquelles : l’accentuation de la présence de la police nationale les soirs et les week-end, la modification des horaires de la police municipale pour patrouiller aussi le samedi, des patrouilles communes, différents diagnostics de sécurité des partenaires, l’identification des jeunes livrés à eux-mêmes pour la mise en œuvre d’un accompagnement social, La mise en place de « procédure de rappel à l’ordre » avec les parquets pour lutter contre les incivilités…
Le redimensionnement de la vidéoprotection, le rappel des bonnes pratiques pour éviter les intrusions ou les dégradations de véhicules, la mise en place des opérations tranquillités vacances (OTV)…
Conclusion
Aujourd’hui, face à une délinquance dès plus agile et réactive aux nouvelles technologiques, les maires sont en première ligne face à l’insécurité et le manque de moyens des services de l’État.
Face à cet état de fait, le beauvau des polices municipales fut mis en œuvre, afin de réaliser une concertation entre les acteurs et d’apporter une complémentarité entre les forces de sécurité.
Les conclusions de cette concertation furent rendues en début mars dernier mettant l’accent sur la mutualisation et la coordination, principe du continuum de sécurité.
« Ce travail collectif est la clé pour construire une sécurité de proximité, efficace et adaptée à chaque territoire », a conclu le ministre.
Et d’ajouter, « l’ensemble de ces concertations ont pour objectif d’aboutir à un texte de loi sur la modernisation des polices municipales avant l’été 2025 ».