Maintenant Castres …

Maintenant Castres …
10 décembre 2025 Olivier Debeney

Maintenant Castres…

 

Cinq policiers en intervention ont été visés par des tirs de carabine à Castres et trois ont été blessés par des éclats de plomb à la tête et au torse. Il s’en est suivi le énième et lénifiant comuniqué du locataire de Beauvau : Inadmissible et insupportable attaque cette nuit à #Castres, où les policiers locaux ont essuyé des tirs sur la voie publique: trois d’entre eux ont été touchés par des éclats de plomb, sans occasionner de blessure grave, fort heureusement.   Je leur redis mon admiration pour leur courage, et promets que les auteurs recherchés devront répondre de ces actes graves dans le cadre de l’enquête ouverte  (https://www.20minutes.fr). Car, depuis quelques décennies, les ministres en charge de la sécurité reprennent toujours la même antienne dans ces cas là….

De leur côté les habitants des quartiers où ces exactions se passent, ont toujours la même peur et la même interrogation. Les paroles, les visites sur place, c’est bien (sauf que c’est coûteux car un déplacement ministériel c’est plus d’une centaine de milliers d’euros…). Mais quid des actes ?…. 

La morbide DZ mafia, sponsorisée par le pouvoir algérien, s’en prend de plus en plus à des villes moyennes. C’est à présent Castres. Commune française, unique sous-préfecture de ce joli département du  Tarn, en région Occitanie. En 2022, Castres est une ville moyenne de 42 700 habitants, et avec son unité urbaine 58 004 habitants. C’est dans le quartier de Lameilhé, assez chaud depuis quelques mois, que ce sont produits les faits. Ils auraient pu être mortels pour les policiers. 

Quelle ville française peut s’enorgueillr d’être à l’abri de ce genre de fusillades ? Quasiment aucune. Soit de par des narcotrafiquants locaux, soit de par la DZ, soit les deux. Paris, Lyon, Marseille (et leurs agglos)  sont bien sûr en haut du tableau. Le narcotrafic est devenu un enjeu de sécurité publique à l’échelle nationale. Plus aucun territoire n’y échappe, le deal de rue étant désormais complété, jusque dans les campagnes de la Nièvre ou de la Creuse, par des ventes via les réseaux sociaux. Une ville comme Clermont-Fd (nous y résidons)  jusqu’ici plutôt préservée,  fait la une depuis quelques mois avec pas moins de dix assassinats depuis début Janvier. Dans la capitale auvergnate,  comme dans tant d’autres villes, on découvre, sous ses fenêtres, la guerre pour un point de deal, l’organisation de réseaux hiérarchisés, du chef jusqu’aux guetteurs, ces petites mains souvent très jeunes. À la clé, sur fond d’augmentation de la consommation, des enjeux financiers colossaux dont se repaissent des groupes tentaculaires aux pratiques mafieuses (https://www.lamontagne.fr). Il n’y a pas que les banlieues clermontoises qui sont touchées. Des quartiers du centre aussi (gare par ex). Mais les bandes locales semblent désormais s’organiser et faire refluer la DZ…. (bientôt un mois sans crime !). Presque on les remercierait !…

Alors qu’une réunion au sommet sur le narcotrafic était organisée en urgence à l’Élysée suite à l’assassinat du frère d’Amine Kassi, en Novembre dernier, le député Franck Allisio a réclamé, à bon droit selon nous,  l’état d’urgence dans la cité phocéenne. «Je demande au président de la République, en tant que garant de l’unité de notre pays, de donner le premier coup décisif aux narcotrafiquants en décrétant un état d’urgence sur l’ensemble de la ville de Marseille», écrit le député dans une déclaration transmise à l’AFP (https://www.lefigaro.fr). Remarquons que la cité phocéenne est  la ville de France qui a le plus bénéficié des largesses élyséennes : plus de 5 millards d’euros. Pour quel résultat en matière de sécurité ?… Et la majorité des banlieues marseillaises  restent dans un état assez calamiteux. Notamment au niveau des logements sociaix (où résident d’ailleurs la majeure partie des naroctrafiquants).  Comme nous l’a fait remarquer récemment  un élu local, « la situation c’est Bac Nord ++ ». Ce que la majorité des policiers locaux corroborent au passage.

A la suite de l’antépénultième crime commis à Marseille contre le jeune Kassi, le député Allisio a donc émis, avec raison,  le souhait d’un état d’urgence local. Il y a eu des antécédents. Ainsi lors de la crise des banlieues de 2005, le président Chirac avait décrété l’état d’urgence dans un certain nombre de villes. D. de Villepin, alors ministre de l’Intérieur,  avait très bien géré les choses avec le relais des préfets et des maires. Le calme était revenu assez rapidement. Quid de l’état d’urgence ? Il  a été institué par la loi 3 avril 1955 et modifié plusieurs fois, en particulier par l’ordonnance du 15 avril 1960 et la loi du 20 novembre 2015. Décidé par décret en conseil des ministres, il peut être déclaré sur tout ou partie du territoire soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique (catastrophe naturelle d’une ampleur exceptionnelle). D’une durée initiale de 12 jours, l’état d’urgence peut être prolongé par le vote d’une loi votée par le Parlement. Ce régime d’exception permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles et de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles. L’état d’urgence autorise le ministre de l’Intérieur et les préfets à décider un certain nombre de mesures :

  • l’interdiction des manifestations, cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique ;
  • la mise en place de périmètres de protection pour assurer la sécurité d’un lieu ou d’un évènement ;
  • l’interdiction de certaines réunions publiques ou la fermeture de lieux publics et de lieux de culte ;
  • des perquisitions administratives ;
  • des réquisitions de personnes ou moyens privés ;
  • le blocage de sites internet prônant des actes terroristes ou en faisant l’apologie ;
  • des interdictions de séjour ;
  • des assignations à résidence 

(https://www.vie-publique.fr). 

A l’allure où s’accumulent les crimes en tous genres dans certaines  villes françaises, il paraitrait de bonne politique (et surtout d’utilité publique) de songer sérieusement à y décréter l’état d’urgence.

Et si cela ne suffit pas, il y a aussi l’état de siège. Prévu par l’article 36 de la Constitution, l’état de siège restreint aussi les libertés publiques. Décrété en conseil des ministres, il est mis en place en cas de péril imminent, pour faire face à un conflit (troubles intérieurs graves, par exemple). Prévu pour une durée de 12 jours, il peut être prolongé par une loi. Mais, contrairement à l’état d’urgence, les pouvoirs de police sont exercés par les autorités militaires aux compétences accrues. Des juridictions militaires peuvent alors juger les crimes et délits contre la sûreté de l’État, portant atteinte à la défense nationale qu’ils soient perpétrés par des militaires ou des civils.

Et puis, bien entendu, ultimum remedium, il y a aussi l’art. 16 C. Lors de la mise en œuvre de celui-ci  le président de la République est doté de pouvoirs exceptionnels et concentre les pouvoirs exécutif et législatif. Deux conditions doivent être réunies :

  • une menace grave et immédiate pesant sur l’indépendance de la Nation et l’intégrité du territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux ;
  • le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu.

Par ailleurs le Président doit d’abord consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées parlementaires et le Conseil constitutionnel, et informer la Nation. L’application de l’article 16 doit être une réponse temporaire à des situations de crise identifiées. La seule application de l’article 16 a eu lieu en 1961 lors du putsch des généraux d’Alger. La situation a été réglée en quelques mois.

Il y a assurément dans nos institutions les solutions pour mater les délits et crimes commis dans nos villes. C’est avant tout une question de volonté politique. Le malheur c’est que depuis quelques décennies, elle a déserté l’esprit de celles et ceux qui nous gouvernent….

“Les volontés faibles se traduisent par des discours ; les volontés fortes par des actes.” (Gustave Le Bon). 

 

Raphael Piastra, maitre de Conférences en droit public des universités