Maîtrisons nos dépendances, nos indépendances, et nos interdépendances

Maîtrisons nos dépendances, nos indépendances, et nos interdépendances
25 juillet 2025 Olivier Debeney

Maîtrisons nos dépendances, nos indépendances, et nos interdépendances

Par Arnaud Rousseau, Président de la FNSEA


Il y a 80 ans, alors que l’Europe redécouvrait la paix mais était affamée, les agriculteurs se sont réunis pour répondre à l’ambition d’autosuffisance alimentaire nécessaire à la reconstruction et à la stabilité du continent. Ils s’y sont attelés avec énergie et une capacité d’adaptation exceptionnelles, permettant ainsi à l’ensemble des filières agricoles d’atteindre peu ou prou un niveau satisfaisant d’auto-approvisionnement.

Mais une fois les objectifs atteints, progressivement, au fur et à mesure que le spectre de la faim s’éloignait, le sens du métier d’agriculteur, son rôle nourricier et structurant dans les territoires s’est effacé. La société tout entière a perdu la notion du coût réel de l’alimentation, voire même son caractère vital.

Lentement mais avec constance, au fil des décisions des Gouvernements successifs, de la montée en puissance des préoccupations telles que le sacro-saint pouvoir d’achat, la France a perdu son outil de production et l’Europe est devenu une passoire aux importations, accentuant les concurrences déloyales mortifères pour les agriculteurs.

La photographie à date de la France agricole est éloquente. Sous les effets conjugués des marchés, des pressions économiques, climatiques et sanitaires, en 20 ans, la production de viande a baissé de 16 %, et les importations ont augmenté de 81 %. La production de vin a reculé de 24 %, et les importations ont grimpé de 15 %.

Pour les fruits, c’est tout aussi frappant : 12 % de production en moins mais 31 % d’importations en plus…

Entre 2015 et 2024, la France a perdu 1 million d’hectares de blé tendre. Soit  20 % des surfaces perdues. Et sur ces 20%, les trois quarts n’ont désormais plus aucune vocation de production agricole.

Avec la crise sanitaire COVID, le retour de la guerre et des tensions géopolitiques viennent à nouveau agiter la peur des pénuries alimentaires.

Brutalement, la crainte de ruptures dans la chaîne d’approvisionnement a fait prendre conscience aux Français et aux Européens leurs dangereuses dépendances : aux importations alimentaires, aux approvisionnements en énergie, en engrais, en produits sanitaires indispensables pour la protection des plantes et des troupeaux…

La souveraineté alimentaire s’est alors imposée comme un vecteur majeur de stabilité démocratique et de résilience face aux chocs de toute nature. La maîtrise de l’alimentation, sa disponibilité et la gestion de ses flux est une préoccupation hautement stratégique, au même titre que l’indépendance énergétique et une politique de défense restructurée.

La souveraineté alimentaire est un choix politique, un choix de société, qui engage l’alimentation des prochaines décennies, en prenant en compte toutes les variables économiques, géopolitiques, climatiques et sociétales dans lesquelles nous évoluons.

Si l’idée de la souveraineté alimentaire semble bien implantée désormais, accompagnée en cela par la loi d’orientation agricole votée fin janvier 2025, les actes se font encore attendre.

Pour les agriculteurs, et c’est pour cette raison qu’ils se sont massivement mobilisés à l’hiver 2024, les conditions de réussite sont claires : il faut relancer la production, assurer un revenu aux agriculteurs et les protéger des concurrences déloyales intra et extra européennes, pour rendre le secteur agricole résilient à long terme et attractif pour les jeunes générations.

Orienter la France et l’Europe sur le chemin de l’autonomie stratégique alimentaire est la seule stratégie à même de nous garantir la maîtrise de nos dépendances, de nos indépendances et de nos interdépendances. Et d’apporter un peu de longueur de vue et de contrôle au moment où le court-termisme et l’inconstance semblent s’installer…