6 propositions sur la légitime défense

6 propositions sur la légitime défense
3 novembre 2015 pierre

Invité à s’exprimer devant la convention des Républicains sur la sécurité le mardi 3 novembre 2015, Thibault de Montbrial, Avocat au Barreau de Paris et Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure a formulé six propositions pour faire adapter le droit de la légitime défense aux réalités d’aujourd’hui : augmentation considérable de la délinquance violente et menaces terroristes aigües après les différentes attaques qui ont frappé note pays depuis le début de l’année 2015 (Charlie, hyper cascher, Villejuif, Thalys…)

I – PROPOSITIONS ORGANISATIONNELLES (propositions 1, 2 et 3)

Proposition 1 – Autoriser le port permanent de l’arme 24h/24 et 7j/7 pour les personnes habilitées.

Les retours d’expériences des différentes attaques terroristes commises à l’arme automatique dans des lieux publics à travers le monde, démontrent que plus rapide est la riposte, moins élevée est le nombre de victimes. Dans cet esprit, il faut réfléchir aux conditions dans lesquelles la présence de personnes habilitées à être armées dans les lieux publics pourrait être augmentée.

Autoriser les personnels habilités au port d’une arme, qu’il s’agisse de fonctionnaires (policiers, gendarmes, douaniers, certains militaires…) ou de civils habilités à être armés, à porter leur arme sur eux en permanence, même hors service, augmenterait mécaniquement de plusieurs milliers le nombre de personnes circulant dans les lieux publics en France (transports en communs, galeries commerciales, restaurants, cinémas, etc…) susceptibles de riposter en temps réel à une attaque terroriste.

Proposition 2 : Augmenter les capacités opérationnelles (équipement et entraînement) des unités de sécurité publique primo intervenantes sur les scènes d’attentat.

Les forces de l’ordre primo-intervenantes sur une scène d’attentat sont nécessairement celles affectées à la sécurité publique, puisque ce sont elles qui patrouillent dans les rues. Or ces unités ne disposent évidemment pas du matériel ni de l’entraînement des services d’intervention spécialisés.

Il est donc nécessaire de renforcer les capacités opérationnelles de ces primo-intervenants : dotation d’une arme longue par véhicule, augmentation de la performance des protections balistiques, entraînement adéquat.

Proposition 3 : Déléguer la protection de lieux sensibles à des sociétés privées agréés pour en armer les agents.

La protection de sites sensibles, dont les zone industrielles classées SEVESO, pourrait utilement être déléguée à des sociétés privées dont les personnels expérimentés (composés d’anciens policiers ou militaires par exemple), seraient agréés par l’État pour être armés.

Ainsi, l’objectif de sécurisation efficace des sites sensibles serait atteint, tout en permettant à l’État de récupérer ses forces vives (policiers, gendarmes ou militaires) pour les réaffecter à leurs missions d’origines.

II – PROPOSITION OPÉRATIONNELLE POUR LES FORCES DE L’ORDRE (proposition 4)

Proposition 4 : Créer une « Période de Danger Absolu » (PDA) élargissant les conditions juridiques du droit d’ouverture de feu par les forces de l’ordre en cas d’attaque terroriste dans un lieu public.

Il s’agit de permettre aux forces de l’ordre d’optimiser leurs options tactiques (tirs d’interdiction ou de fixation par exemple) pour faire face à une fusillade dans un lieu public.

La « Période de Danger Absolu » pourrait être déterminée en fonction d’éléments objectifs (tel que la présence d’une arme de guerre entre les mains du ou des assaillants) et/ou être autorisée par une autorité sur les ondes ; elle prendrait fin par déclaration de l’autorité sur les ondes à l’issue du déroulement de l’acte terroriste considéré.

Toute éventuelle contestation de la légitimité du recours à la PDA serait naturellement soumise au contrôle d’un juge à postériori.

III – PROPOSITIONS GÉNÉRALES (propositions 5 et 6)

Proposition 5 : Créer une présomption de légitime défense permanente dans les lieux d’habitation.

Il existe actuellement une présomption de légitime défense pour la défense des lieux habités prévue par l’article L.122-6 alinéa 1 du Code Pénal. Mais elle se limite à l’hypothèse d’une entrée par effraction et de nuit dans les lieux habités ; de surcroît, elle est en pratique quasiment vidée de sa substance par une jurisprudence très restrictive.

Le domicile se doit d’être un sanctuaire et il n’est pas acceptable que la légalité de l’acte de défense d’un citoyen à son domicile soit subordonnée à la nature de l’agression qu’il subit : comment savoir si des intrus viennent uniquement s’en prendre aux biens (pas de crime) ou s’ils vont également violer une occupante et/ou torturer le titulaire d’une carte bancaire pour en obtenir le code (crime) ? Il va de soi que, quelle que soit la nature de l’intrusion (violence, ruse ou effraction) et l’heure de sa commission, l’acte de défense de l’habitant doit être présumé légitime, avant même de connaître les intentions réelles de l’auteur de l’intrusion.

Proposition 6 : Adapter en droit français la notion d’état excusable de saisissement causée par une attaque si la riposte de celui qui s’est défendu est disproportionnée.

En l’état de la jurisprudence, la légitime défense suppose la réalisation d’un acte de défense strictement proportionné à l’agression. Or ce critère de proportionnalité exige de celui qui est attaqué une totale maîtrise de ses émotions.

C’est en pratique irréaliste : on exige de celui qui vaquait tranquillement à ses occupations et qui se retrouve soudain exposé à un risque de mort imminente, d’avoir la lucidité et la vertu de contrôler des émotions extrêmes, alors qu’il se retrouve face à un délinquant qui a le triple avantage stratégique du choix du lieu, du moment et des moyens de son agression.

Dans ces conditions, la loi doit permettre au juge d’apprécier si le caractère éventuellement disproportionné d’une riposte a pu être causé par l’effroi dont la victime de l’attaque a été saisi, et ce afin de lui permettre d’en tirer les conséquences sur la peine.

À cet égard, l’article 16-2 du code pénal Suisse permet au juge de dispenser de peine l’auteur des violences de défense si leur excès éventuel a pu être causé par « un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque ».