Quel budget pour la PAC dans le prochain cadre financier pluriannuel? 

Quel budget pour la PAC dans le prochain cadre financier pluriannuel? 
27 août 2025 Olivier Debeney

Quel budget pour la PAC dans le prochain cadre financier pluriannuel?

Par Aurélien Jean, diplomé du Master 2 de Sciences Po Affaires européennes, stagiaire aux greffes du tribunal de la Cour de Justice de l’Union européenne et membre des jeunes du CRSI


Le budget européen est un édifice à deux têtes. D’un côté, il y a la procédure législative annuelle, avec un vote au Parlement, un accord au Conseil et une déclinaison des priorités législatives et administratives de l’Union. De l’autre, ladite procédure annuelle est encadrée au sein d’un ensemble global pluriannuel – une forme de « super-budget » négocié sur sept ans et qui permet d’estimer grosso modo quel sera le montant du budget européen sur cette période. C’est le Cadre Financier Pluriannuel (CFP). Il peut être revu (et augmenté) à mi-parcours, comme en 2023, mais les grands arbitrages et ordres de grandeur se décident dès le départ. Actuellement, nous évoluons dans le CFP 2021-2027, doté de 2070 milliards d’euros, mais la Commission européenne a présenté le 16 juillet 2025 sa proposition pour le prochain CFP qui s’étalera entre 2028 et 2034.

Sur ces 2070 milliards, environ 800 proviennent du plan de relance commun de 2020 (Next Generation EU – NGEU). Le reste, 1270 milliards, correspond peu ou prou au budget initial en ce compris les aides à l’Ukraine. Si l’agriculture a longtemps été le principal budget de l’Europe – jusqu’à trois-quarts du budget pour la PAC – aujourd’hui, les diverses mesures agricoles et environnementales représentent environ 378 milliards d’euros en paiements directs, soit à peine un tiers du total. C’est le résultat des diverses réformes opérées dans la politique agricole, tout comme de la montée en puissance d’autres priorités telles que la cohésion ou la sécurité. Ainsi, la politique de cohésion représente 426 milliards d’euros et la sécurité/défense/migration environ 45 milliards. L’aide au développement et les relations de voisinage comptent pour 113.7 milliards et les dépenses pour le marché unique et l’innovation se portent à environ 150 milliards d’euros. L’agriculture reste donc le deuxième budget européen, même si le poids en proportion du total pour le soutien à l’agriculture s’est fortement étiolé. C’est encore plus net si l’on considère l’affectation des aides du NGEU et celles permises par la révision à mi-parcours du CFP – peu orientées vers le secteur agricole.

Pour la suite, il importe de mentionner que les négociations européennes sont très rudes, chaque EM veut maximiser son retour et limiter ses dépenses. De surcroît, les dépenses prioritaires ne manquent pas, alors que la défense est appelée à être substantiellement recapitalisée en moyens et que la préservation du modèle social figure dans les leitmotivs de nombreux pays. Il faut aussi garder en tête le remboursement des emprunts communs contractés dans l’après-Covid (750 milliards d’euros, remboursement débutant en 2028). En outre, l’Union est en retard sur d’autres grandes puissances : trop peu de dépenses en recherche, en investissement ou en adaptation au changement climatique. In fine, le principal avantage du CFP – son caractère fixe et préprogrammé – est aussi sa faiblesse : il évite les dérapages non financés mais ne permet aucune marge de manœuvre, a fortiori quand certains EM exigent des rabais sur leur contribution.

C’est ainsi que le projet de CFP présenté par la Commission le 16 juillet 2025 prévoit un montant de 300 milliards pour la PAC pour la période 2028-2035. Cela correspond à une baisse de 20% en comparaison du précédent CFP pour les agriculteurs et les pêcheurs. Ce montant correspond à une enveloppe fixe, non susceptible de réaffectation et qui pourra être indexée en fonction de l’évolution des prix selon une méthode de calcul qui dépendra du taux d’inflation constaté. Les 300 milliards représentent de plus un minimum, que chaque EM pourra choisir de compléter. Une autre grande nouveauté est la simplification du nombre de programmes : de 540 (sectoriels) à 27 (nationaux)… entraînant la fusion des allocations PAC et du Fonds social européen dans de vastes plans nationaux, avec un pouvoir d’allocation des EM renforcé. Des réserves sont aussi prévues en cas de crise.

Les eurodéputés ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet, et ont fermement rejeté l’idée d’un fonds unique – craignant de perdre en transparence et en unité, de limiter in fine le pouvoir de l’échelon européen et d’opérer une « renationalisation ». Par ailleurs, la baisse des montants mécontente une bonne partie de l’hémicycle. Certains EM semblent aussi réticents, tant sur la baisse du montant que sur le véhicule employé, tels la France et sa ministre Annie Genevard qui craint que le budget ne soit « raboté de mois en mois au gré des diverses priorités du moment ».

Ce projet de budget s’accompagnerait en même temps d’une révision de la PAC impliquant une refonte du système de conditionnalité aux paiements (environnement, social, bien-être animal…), des aides renforcés pour les jeunes agriculteurs et l’innovation et un meilleur ciblage des bénéficiaires (soutien au revenu basé sur la surface, action agroenvironnementale, paiements pour contraintes naturelles…). La Commission superviserait l’ensemble via des recommandations adoptées pour chaque EM. Un autre texte présenté le même jour a trait aux stocks de produits agricoles, à la protection des termes liés à la viande et un soutien pour certains secteurs jugés important pour l’atteinte des objectifs de la PAC.

Dans tous les cas, les agriculteurs et leurs organisations professionnelles prévoient de rester très vigilants quant à l’évolution de la situation – au besoin par de nouvelles mobilisations d’ampleur déjà soutenues par une partie du spectre politique. Le projet de CFP, qui n’est qu’une proposition, doit désormais passer par un long et tortueux chemin – où beaucoup de choses peuvent encore changer – et qui impliquera EM, eurodéputés et représentants d’intérêts avant d’entrer en vigueur.