Saint-Pierre et Miquelon

Saint-Pierre et Miquelon
16 juillet 2025 Olivier Debeney

Saint-Pierre et Miquelon

Ciblés en avril par des droits de douanes à 50% de la part de Trump, proposé comme centre de rétention pour OQTF dangereux par Laurent Wauquiez, le petit archipel de Saint-Pierre et Miquelon a fait l’actualité plusieurs fois cette année.

Composé d’une dizaine d’îles situé à vingt kilomètres de l’île canadienne de Terre Neuve, la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon est le seul héritage de la colonisation française en Amérique du Nord. Territoire d’outre-mer à l’identité bien singulière, il a été le théâtre à partir du XVème siècle de l’odyssée des pêcheurs baleiniers normands, bretons et basques. Situé à proximité des Grands bancs” de Terre Neuve qui est l’une des zones les plus poissonneuses au monde, Saint-Pierre et Miquelon a toujours été une base avancée pour la pêche au large et poursuit cette tradition, même si l’archipel est confronté à un contexte bien plus contraint aujourd’hui.

Par Pierre Erceau


Un archipel historiquement dédié à la pêche

L’archipel compte dix îles mais seulement deux communes : Saint-Pierre, qui concentre l’essentiel de l’activité économique, et Miquelon, regroupant une centaine de familles. L’économie de l’archipel est historiquement centrée sur la pêche à la morue. Il y a encore un siècle, on pouvait compter “une forêt de mâts” et une activité grouillante dans le port de Saint-Pierre. L’apogée de l’activité économique a été atteint après la deuxième guerre mondiale, avec le développement de la pêche industrielle entre les années 1960 et 1990.

Les tensions récurrentes avec le Canada sur la question des ZEE et des quotas a donné lieu à “la guerre de la morue” entre 1972 et 1994 culminant en 1988 avec la rétention d’un bateau de pêche français contenant 17 pêcheurs et 4 élus français durant plusieurs jours. Le 10 juin 1992, le tribunal international de New York rendait son verdict sur la ZEE française, qui est désormais réduite à un corridor de 200 miles marins de long sur 10,5 miles de largeur ironiquement renommée la “French baguette”, enclavée à l’intérieur de la ZEE canadienne. L’activité de pêche est beaucoup moins importante depuis, Saint-Pierre et Miquelon ne compte plus qu’une flotte de 15 chalutiers (2 semi industriels et 13 artisanaux) et elle se concentre sur les espèces suivantes : flétan, concombres de mer ou holothurie, crabes des neiges, homards, coquilles, raies, morues.

L’activité pêche désormais plus maigre, ne met pourtant pas la collectivité pas à l’abri de nouvelles pressions des pêcheurs canadiens qui l’accusaient de “vouloir s’emparer d’une part exorbitante de son quota historique du précieux poisson de fond (le flétan) qui migre à travers les eaux des deux pays.”Pourtant, les captures françaises de flétan s’élevaient en 2023 à 124 tonnes contre 4927 tonnes pour les canadiens. Un accord a été trouvé en 2024 autorisant la France à capturer 3% du total des captures, soit 147 tonnes la même année.

En 2025, nouvelles pressions, mais de Trump cette fois. Saint-Pierre ayant écoulé son flétan vers les Etats-Unis en raison de ses différends avec le Canada, sa balance commerciale lui a été beaucoup plus favorable que d’habitude (3,8 millions d’euros d’exportation contre 90 570 euros d’importations). L’administration Trump a calculé ses droits de douane mécaniquement en fonction de ce seul chiffre, aboutissant à des droits de douane de 50% qui ont depuis été revus à la baisse pour atteindre seulement 10%.

Quelles perspectives pour ce territoire en restructuration ?

Le territoire fait face à de nombreux défis : activité pêche soumise à de nombreuses contraintes, population vieillissante et décroissante, hypertrophie des emplois administrés (50% environ), tensions latentes avec le Canada sur les ressources et leurs zones d’exploitation … Face à cela, les pouvoirs publics cherchent à stimuler certains domaines de l’économie comme l’agriculture et l’aquaculture, mais misent surtout sur le tourisme comme pilier du développement de l’archipel (Schéma de développement stratégique 210-2030 ; Plan de développement agricole durable).

Le “caillou” a vu 13 000 touristes (plus de 50% de canadiens) débarquer sur ses côtes lors de la saison 2022-2023 et espère bien développer ce potentiel. L’objectif est aujourd’hui d’accueillir 20% de touristes supplémentaires par rapport aux 10 à 15 000 actuels. Malgré une autosuffisance alimentaire dans le passé, l’importance de l’agriculture sur l’île a nettement reculé en raison d’un sol pauvre et des contraintes liées à l’insularité. L’île importe l’essentiel de sa nourriture et ne subvient qu’à 2% de ses besoins ; de l’argent public est donc injecté afin de soutenir les nouvelles initiatives.

L’archipel est aujourd’hui 100% dépendant des hydrocarbures et est d’ailleurs situé dans une zone pétrolifère, le bassin sous laurentien. Possiblement exploitable depuis la ZEE française, la ressource est abondante dans la région et déjà exploitée par les Canadiens. Le choix a été fait de se concentrer aujourd’hui vers les énergies renouvelables, afin d’atteindre 30 à 50% de renouvelable dans le mix énergétique de Saint-Pierre et Miquelon d’ici 2050 (source EDF).

Face aux difficultés actuelles de l’archipel qui reste “sous perfusion” d’argent public, l’objectif est donc le développement du tourisme et une autonomie durable sur le plan énergétique et agricole.

Polémique : proposition d’un centre pour les OQTF dangereux

L’objectif de l’archipel étant de renforcer son attractivité, la proposition de Laurent Wauquiez d’enfermer les OQTF dangereux sur place est venue heurter de plein fouet la stratégie de communication de la collectivité. En insistant sur les aspects supposés rebutants de l’archipel : “isolé”, “146 jours de pluie par an » et “5 degrés en moyenne” la proposition du député a été très mal reçue par certains. Elle a aussi été perçue comme faisant de l’île un “dépotoir” au moment même où il s’agit d’accueillir plus de touristes. Selon d’autres réactions, elle s’inscrit aussi dans la continuité d’un usage des territoires d’outre-mer comme servant de “colonies pénitentiaires” comme cela fut le cas pour la Guyane ou la Nouvelle Calédonie ce que d’aucuns pourraient aussi qualifier de “néo-colonial”, ce dont l’intéressé s’est défendu. En réponse, une campagne de communication a été lancée afin de réaffirmer les atouts de l’archipel et son attractivité pour les touristes : “OQTF : On quitte tout facilement pour vivre à Saint-Pierre et Miquelon”.

La proposition de Laurent Wauquiez aurait selon lui des avantages importants pour l’objectif recherché : un effet “dissuasif massif”, une gestion facilitée des éventuels incidents en raison de l’insularité, forcer les départs volontaires en mettant devant un choix binaire : “rentrer chez vous” ou “rester à Saint-Pierre et Miquelon”. Elle propose cependant, en partie, une redéfinition de l’usage de l’archipel dans le cadre d’une stratégie nationale de gestion de l’immigration et de la sécurité. Ce n’est pas sa fonction actuelle, reste donc à savoir sa faisabilité, son coût et si les bénéfices recherchés seront réels.


Saint-Pierre et Miquelon en bref

Composition : Ensemble de dix îlots. L’île Saint-Pierre est la plus peuplée et fait face à trois presqu’îles reliées par un isthme sableux formant Miquelon et Langlade. Les deux ensembles sont séparés par un chenal de 5km Les autres îlots sont inhabités mais l’Île aux marins accueille de nombreux touristes chaque année.

Statut : Collectivité d’outre-mer

Nombre d’habitants : 6000 environ

Superficie globale : 242 km²

ZEE : 12 400 km²

Climat : Maritime froid avec des températures s’échelonnant de -12°C à +20°C. Au croisement de plusieurs influences, le climat est assez imprévisible. Le vent est très présent, particulièrement en hiver où il rend les conditions plus pénibles et la brume également, du printemps jusqu’au début de l’été.

Saint-Pierre

  • Superficie : 26km²
  • Topographie : îles planes, altitude maximale de 12m.
  • Nombre d’habitants : environ 5400

Miquelon ou Miquelon et Langlade

Miquelon

  • Superficie : 101km²
  • Topographie : situé à 2m au-dessus de la mer, sol rocheux ou tourbeux
  • Nombre d’habitants : environ 600
  • Le village étant trop proche de la mer et risquant d’être submergé à moyen terme, une délocalisation du village est en cours sur une zone plus élevée à proximité. Le gouvernement français subventionne les habitants volontaires pour délocaliser leur maison.

Langlade

  • Superficie : 91 km²
  • Géographie : Reliée à Miquelon par un isthme de 12 km, avec Miquelon, elle représente la majorité de la réserve végétale et animale de l’archipel.
  • Nombre d’habitants : aucun résident permanent, mais de nombreuses résidences secondaires occupées en période estivale.
  • Île aux marins : petite île située dans la baie de Saint-Pierre et historiquement dédiée à la pêche. Désertée depuis les années 50, elle est aujourd’hui dédiée au tourisme et particulièrement visitée en période estivale.

Sources

https://cnes.fr/geoimage/saint-pierre-miquelon-deux-iles-francaises-aux-confins-canada

https://fr.euronews.com/my-europe/2025/04/10/pourquoi-larchipel-francais-de-saint-pierre-et-miquelon-fait-la-une-de-lactualite-mondiale

https://www.saint-pierre-et-miquelon.developpement-durable.gouv.fr/geographie-et-climat-a12.html

https://www.25km-de-miquelon.net/saint-pierre-et-miquelon/

https://www.saint-pierre-et-miquelon.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/dsbm_situation_de_l_existant_vf.pdf