
Tribune de Gilles Gascon
Maire de Saint-Priest (Métropole de Lyon)
Comme vous tous, je suis très attaché à la sécurité, que je considère être la première de nos libertés. Elle est le socle indispensable à toute vie en société, le fondement de la confiance entre citoyens, l’assurance que chacun peut vivre, se déplacer, travailler, élever ses enfants en toute tranquillité. Or, aujourd’hui, ce socle se fissure dangereusement. L’actualité regorge d’exemples d’une violence décomplexée, banalisée, parfois même tolérée par un État resté trop longtemps démissionnaire.
Notre société est minée par des atteintes à la sécurité des biens et des personnes. Et les collectivités locales, en particulier les maires, se retrouvent en première ligne pour tenter d’apporter des réponses concrètes. Le sondage réalisé par le Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure est éloquent : 82 % des maires de communes de plus de 10.000 habitants sont très préoccupés par les questions de sécurité. C’est un chiffre accablant, mais pas surprenant. Nous, maires de terrain, sommes confrontés chaque jour à ce terrible constat : incivilités, trafics, agressions, sentiment d’abandon… mais n’est-ce vraiment qu’un sentiment ?
Il nous faut agir. Si les choses sont enfin en train d’évoluer dans le bon sens, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ce sont 56 % des maires qui disent encore devoir pallier les carences de l’État. C’est une réalité de terrain. A Saint-Priest, j’ai pris mes responsabilités dès 2014. J’ai fait de la sécurité une priorité municipale claire, constante, et assumée. Nous avons déployé une politique volontariste, structurée, et ambitieuse. Les effectifs de la police municipale ont été multipliés par quatre, passant de 10 à 40 agents. Nous avons créé un deuxième poste de police, une brigade équestre, et investi massivement dans le matériel. Notre ville compte aujourd’hui près de 500 caméras de vidéoprotection : le ratio par habitant le plus élevé de toute la région.
Et les résultats sont là : – 10 % de coups et blessures, – 15 % de cambriolages, – 34 % de vols, – 65 % de délinquance des mineurs. Saint-Priest affiche le taux d’élucidation le plus élevé de la métropole lyonnaise, et le taux de délinquance des mineurs le plus faible. Ces chiffres ne doivent rien au hasard. Ils sont le fruit d’une volonté politique forte, d’un cap tenu dans la durée, et d’une mobilisation totale de nos forces de sécurité.
Mais cette action locale ne saurait suffire à compenser toutes les lacunes nationales. Aujourd’hui, à Saint-Priest comme ailleurs, la police municipale est souvent le premier recours, la première à intervenir, y compris sur des situations qui relèvent de la compétence de l’État. Il nous arrive même d’être contactés directement par le standard du 17, car les effectifs nationaux sont insuffisants. Le commissariat est fermé la nuit et le week-end. Nous sommes donc contraints d’assurer une continuité de présence jusqu’à 4 heures du matin, en lien avec un unique agent de police nationale détaché.
Est-ce cela, la république sécuritaire que l’on nous promet ? Une république où les communes se substituent à l’État dans ses fonctions régaliennes ? Où les maires sont les derniers remparts face à l’effondrement des autorités centrales ? Il était temps de poser les bonnes questions, et surtout d’y apporter des réponses. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai organisé en novembre dernier les Assises de la sécurité publique à Saint-Priest.
Ces Assises ont réuni des maires, des élus, des experts, des professionnels du terrain et même des victimes de l’insécurité du quotidien. L’objectif était clair : prendre le temps d’écouter, de réfléchir, de définir ensemble des solutions concrètes. Il en est ressorti un Manifeste des maires pour un continuum de sécurité publique, avec dix propositions fortes : renforcement des compétences et de l’armement de la police municipale, développement massif de la vidéoprotection, simplification des procédures, soutien financier accru aux communes, responsabilisation des parents de mineurs délinquants, meilleure coopération entre forces locales et nationales, et surtout, reconnaissance du rôle des maires dans les décisions de sécurité.
Ce sont des propositions de terrain, réalistes, pragmatiques, à la hauteur des enjeux. Elles ne demandent qu’une chose : une volonté politique au sommet de l’État. Car là où il y a une volonté politique, il y a un chemin.
À cet égard, l’arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur apporte une inflexion bienvenue. Le ministre de l’Intérieur a déjà pris des mesures fortes, affirmant sa détermination à restaurer l’autorité de l’État et à répondre enfin aux préoccupations légitimes des élus locaux.
Je le dis avec force : nous, les maires, n’accepterons plus d’être les supplétifs d’un État absent. Nous n’accepterons plus que les habitants de nos communes paient les conséquences de l’éloignement des décideurs, de la lenteur des réformes, de la frilosité administrative. Il est temps que les maires soient considérés comme ce qu’ils sont : des acteurs essentiels de la sécurité publique, des relais de confiance entre la République et ses citoyens. La sécurité n’est ni un luxe, ni une option. Elle est un droit fondamental. Et ce droit, nous, maires de terrain, sommes déterminés à le garantir, coûte que coûte.
Mais restaurer l’autorité de l’État et redonner toute sa place au maire ne suffira pas si nous n’agissons pas également sur deux piliers fondamentaux de notre société : la famille (premier lieu de transmission des règles, des valeurs, de l’autorités) et la justice (qui doit cesser d’incarner l’impuissance pour juger vite et bien, pour protéger).
Oui, il est temps de faire de la sécurité une cause nationale, une priorité de la République. Car derrière chaque chiffre, chaque acte de violence, il y a des vies abîmées, des commerçants découragés, des familles en détresse. Derrière chaque silence politique, il y a une résignation qui gangrène la démocratie. Nous devons refuser ce fatalisme. Nous devons porter haut la voix des maires de France, qui ne demandent pas des privilèges, mais des moyens et du respect.
Nous ne voulons plus subir, nous voulons agir. Et pour cela, il faut une République lucide, déterminée, et courageuse. C’est en assumant des choix clairs, en réarmant l’État, la famille, la justice et les collectivités, que nous parviendrons à restaurer durablement la sécurité.