L’Allemagne et le Royaume-Uni en pointe dans un mois d’octobre entre menaces extérieures et débats internes aux européens

L’Allemagne et le Royaume-Uni en pointe dans un mois d’octobre entre menaces extérieures et débats internes aux européens
5 novembre 2025 Olivier Debeney

– par Aurélien Jean

Le Royaume-Uni compte instituer un nouveau système d’identification numérique

Le Gouvernement britannique a annoncé le 26 septembre 2025 vouloir mettre en place un nouveau système d’identification numérique visant à lutter contre le travail illégal et faciliter l’accès aux services gouvernementaux de base. Ce nouveau fonctionnement digital est prévu pour remplacer les vérifications d’identité basées sur des documents papier et pouvant parfois se révéler complexes. Il pourra ainsi servir lors des demandes administratives pour le permis de conduire, la garde d’enfants, l’aide sociale ou l’accès aux dossiers fiscaux. Le Gouvernement fait aussi valoir que cette identification numérique sera aussi obligatoire pour prouver son droit au travail et sera d’ailleurs mise en place – après une consultation – d’ici la fin de la législature actuelle, en 2029.

Pour ce dernier point, l’identification numérique ambitionne de rendre – sinon impossible – au moins très difficile la recherche d’emploi pour un migrant clandestin arrivé au RU. En effet, les employeurs seront tenus de vérifier l’éligibilité au travail des candidats via ce mécanisme. La facilité à décrocher un emploi est en effet l’une des principales motivations des personnes qui arrivent de manière irrégulière sur le territoire britannique. Cela permettra aussi de poursuivre le travail effectué par les autorités contre le travail informel et l’exploitation des clandestins par des réseaux criminels. Si la détention sera obligatoire pour travailler, elle sera en revanche optionnelle pour les étudiants ou les retraités. A noter que des informations de base (nom, date de naissance, photo, nationalité) seront incluses mais que les forces de l’ordre ne pourront pas exiger de se la voir présenter en cas de contrôle. Le Gouvernement affirme que la préservation de la vie privée, la sécurité des données et la facilité d’utilisation pour des personnes peu à l’aise avec les technologies seront des priorités.

Du côté des oppositions, la mesure subit des critiques, notamment de la part du parti anti-immigration Reform UK pour qui elle ne changera rien pour ceux qui sont déjà clandestins au RU. Une partie de la classe politique nord-irlandaise critique aussi cette proposition, notamment car la détention d’un passeport irlandais (plutôt que britannique) est relativement fréquente. En revanche, la mesure pourrait avoir un meilleur accueil dans l’opinion, alors que l’immigration irrégulière compte toujours parmi les principales inquiétudes des britanniques – malgré des craintes sur de potentielles failles informatiques. Il faut dire que de précédents projets informatiques avaient accumulé les retards et les dépassements de crédits et qu’une précédente tentative d’introduire une carte d’identité avait échouée dans les années 2000 pour des raisons liées aux libertés civiles.

Au chapitre migration…

Un Conseil des Ministres sur fond de débats quant à la stratégie migratoire de l’Union

Le 14 octobre 2025, un conseil des ministres de l’Intérieur des 27, tenu à Luxembourg, a permis de révéler un peu plus les divisions qui agitent les EM quant à la stratégie à adopter pour lutter contre l’immigration irrégulière. Ainsi, plusieurs sujets brulants ont été débattus.

Le premier touche à la reconnaissance mutuelle des décisions nationales de « retour » (= d’expulsion). En effet, un des écueils du système actuel est qu’il entraîne une situation où un migrant peut se voir intimer l’ordre de retourner dans son pays d’origine… alors qu’il se situe physiquement sur le territoire d’un autre EM ; et ce en raison des facilités de circulation et du système dit « de Dublin ». La commission a dès lors proposé un texte visant à la reconnaissance mutuelle des décisions d’expulsion : en clair, un EM ordonnant une telle mesure pourrait voir sa décision s’appliquer par la juridiction de l’EM de présence effective. Certains pays sont favorables à un tel changement, tels la Finlande, l’Espagne ou le Danemark (actuel président du Conseil pour six mois). En revanche, d’autres comme la France, la Belgique ou les Pays-Bas craignent une multiplication des recours et une charge législative à mettre en œuvre – ces pays étant, au passage, des EM connaissant une forte migration « secondaire », et qui auraient donc à appliquer en bonne partie les décisions de retour ordonnées par d’autres juges de l’UE. Ces pays-là préfèreraient donc que la reconnaissance ne soit que volontaire. A noter que le sujet des centres de retour situés en pays-tiers ne semble plus faire débat (à part en Espagne).

Changement de ton sur les Talibans ?

Deuxième sujet brûlant : le retour des ressortissants syriens et afghans. Initialement, le débat sur ces deux pays différait. Autant les afghans devraient rentrer dans un régime islamiste, autant les syriens retourneraient vers un pays débarrassé de Bachar El-Assad. Pourtant, de nombreux EM ont poussé pour un retour des migrants afghans, arguant entre autres d’un risque à la sécurité nationale et de la commission de certains faits-divers et/ou attentats. Les pays les plus allants sur ce point étant la Suède, l’Autriche et l’Allemagne. Vienne a d’ailleurs déjà commencé à expulser des ressortissants syriens vers leur pays d’origine, devenant précurseur en la matière.

C’est donc sans grande surprise que l’Autriche est devenue l’un des premiers EM à expulser vers Kaboul un afghan condamné en Autriche pour de multiples infractions. Un mouvement suivi d’effets puisque Belin s’apprête à faire autant. Toutefois, un relatif consensus s’est dessiné vers le soutien aux retours volontaire et au fait qu’il est désormais envisageable de renvoyer des syriens et des afghans ; en priorité les individus ayant commis des actes délictuels et criminels. Pour autant, et faute d’une situation totalement « stabilisée », le Commissaire aux affaires intérieures a décrit les retours massifs comme prématurés.

Malgré tout, cette position relativement mesurée n’empêche pas l’UE de reconnaitre avoir des « discussions exploratoires au niveau technique » avec le régime taliban dans l’optique d’une meilleure coordination des EM sur les retours. Sans aller jusqu’à reconnaitre – et légitimer – les islamistes, cette position tranche avec la fermeté affichée après le retour au pouvoir des fondamentalistes en août 2021 ; et traduit bien le changement d’attitude observée à l’égard du fait migratoire depuis les élections de 2024.

Pacte asile et migration : mise sur pause des mesures de solidarité

Le troisième gros dossier sensible intervient alors que la Commission, le Conseil et le Parlement tentent d’accorder leurs violons en matière migratoire, et que les idées de chaque groupe politique ou EM se multiplient. Ainsi, le 14 octobre 2025 la Commission, par la voix de son Commissaire aux affaires intérieures (Magnus Brunner, Autriche, PPE) a annoncé le report d’une décision pourtant prévue dans le Pacte sur l’asile et la migration, voté en 2024. Cette décision devait en effet mettre en place un point important de ce Pacte : les mesures de solidarité. En clair, Bruxelles devait rendre publique la liste des EM particulièrement exposés aux conséquences de l’immigration irrégulière et, en conséquence, ce que les autres EM allaient devoir faire pour prêter assistance. Ces derniers pourraient choisir entre l’acceptation de migrants sur leur sol ou le soutien aux EM en première ligne sous forme monétaire ou de personnel en renfort. Plusieurs pays ont d’ailleurs manifesté leur volonté de contribuer sous une forme exclusivement monétaire. L’un des problèmes est que de nombreux EM se montrent mécontents de la faible coopération de la Grèce et de l’Italie – les deux EM les plus touchés par le phénomène – envers leur obligation de reprendre les migrants arrivés par leur territoire. En effet, selon les règles de Dublin, ces deux EM devraient accepter les migrants refoulés des autres EM car leur demande d’asile a d’abord été déposée dans le pays d’arrivée. En réalité, les chiffres des réadmissions restent faibles, ne dépassant pas quelques dizaines.

Au surplus, ce n’est pas la seule motivation du choix de la Commission de temporiser sur ce point. En effet, certains EM (Pologne en tête) refusent toute proposition de relocalisation des migrants, ainsi que son nouveau président l’a réaffirmé le jeudi 9 octobre 2025. Karol Nawrocki réaffirme ainsi son opposition au Pacte asile et migration – un marqueur de sa campagne et de son parti – et refuse de répartir la charge dans les EM, préférant une action à la source, ciblant notamment les départs dans les pays tiers et les passeurs. Le premier ministre, l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk, suit cette même ligne, arguant d’un contexte déjà tendu à la frontière biélorusse et de nécessaires dépenses dans d’autres secteurs, comme la défense. Cette position est largement partagée dans un pays qui accueille sur son sol près d’un million de réfugiés ukrainiens.

Allemagne : Précision des règles sur les expulsions et durcissement de l’accès à la nationalité

Dans trois arrêts du 28 octobre 2025, la Cour Constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht – BVG) a précisé certaines règles s’appliquant aux procédures d’expulsion de ressortissants de pays tiers. Elle a notamment réaffirmé le principe du contrôle judiciaire complet sur l’entièreté de la chaine procédurale, y inclus le cadre des arrestations.

En clair, lorsqu’une personne est arrêtée pour être mise en garde à vue afin de se voir signifier une expulsion, la privation de liberté doit être préalablement ordonnée par un juge (sauf cas exceptionnels où elle peut s’obtenir ultérieurement). Ce principe, qui peut sembler relativement évident – au moins au vu des règles applicables de ce côté-ci du Rhin – envoie toutefois un signal fort aux tribunaux du pays et ce, alors que la pratique de la rétention administrative est critiquée par plusieurs avocats allemands émettant des doutes quant à son respect des normes de l’Etat de droit. Point secondaire mais néanmoins intéressant, le BVG estime que l’absence de possibilité de rendre une décision en dehors des « heures ouvrables » d’un tribunal ne peut justifier une détention sans ordre judiciaire… car il n’existe pas d’horaires de travail généralement établis pour les juges.

Sur un autre sujet, et comme le gouvernement issu des dernières élections s’y était engagé, le mécanisme d’accélération de la naturalisation (Turbo-Einbürgerungen) a été abrogé par le Bundestag le 8 octobre 2025. Les étrangers devront donc désormais résider légalement en Allemagne depuis au moins cinq ans contre trois depuis la loi entrée en vigueur en 2024. Le changement de philosophie à l’origine de cette révision est net : il s’agit d’accorder la citoyenneté comme « une reconnaissance de l’intégration réussie et non comme une incitation à l’immigration illégale » selon les mots du Ministre de l’Intérieur (Alexander Dobrindt, CSU).

A noter que la double nationalité restera possible ; il s’agissait d’une revendication du SPD, le partenaire de coalition des conservateurs. Ces derniers considèrent que le dispositif « Turbo » n’était pas le principal levier du droit de la citoyenneté. En effet, l’accélération de l’octroi de la nationalité allemande n’était pas un dispositif très usité (573 personnes, à peine 1% du total des naturalisations), et affichait déjà une tendance baissière. Les exigences demandées, notamment en maitrise de la langue, rendaient la démarche assez difficile. Si le Gouvernement se félicite de ce changement, les partis d’opposition et certains acteurs économiques le critiquent, soulignant que l’attrait de main d’œuvre étrangère devrait être une priorité alors que l’économie traverse une période de marasme.

Migrants contre visas : la Commission veut une approche plus ferme envers les pays tiers non coopératifs

Dans une note transmise aux Etats membres et révélée par la presse, la Commission envisage de durcir le ton envers les pays tiers jugés peu coopératifs, c’est-à-dire ceux qui n’acceptent pas ou peu de reprendre leurs ressortissants déboutés du droit d’asile en Europe. Cette note se place dans le contexte plus large de la révision des règles migratoires, du débat sur les centres de retour et, plus généralement, sur la manière la plus efficace possible pour renvoyer les migrants entrés illégalement sur le territoire de l’UE (voir, à ce sujet et entre autres, la note du CRSI).

Dans le détail, les mesures transmises aux EM prévoient une révision des règles d’exemption de visa applicables à certains pays tous les trois ans voire moins en cas de durcissement des tensions. En clair, l’idée est de rendre le système actuel plus flexible et révisable rapidement, afin de gagner en force de négociation et de riposte le cas échéant. Reprenant l’idée circulant pour les visas accordés aux russes, l’exécutif européen compte donner la possibilité à l’UE d’imposer des sanctions ciblées sur certains pays, par exemple en suspendant les visas « non-essentiels » ou ceux des officiels en voyage. Ce recalibrage pourrait ainsi permettre de suspendre partiellement ou en totalité – selon la gradation des tensions – les octrois pour des catégories plus ciblées de personnes : diplomates, touristes de court séjour, etc. Corollaire, ces restrictions pourraient aussi s’appliquer pour les visas de long séjour, de travail ou encore les titres de séjour. Pour ce faire, l’UE propose de renforcer Frontex, l’Agence européenne déjà appelée à croitre substantiellement en moyens et en missions. L’idée serait de créer en son sein une unité dédiée au soutien des EM en matière de visas, qui s’occuperait notamment de la formation des officiers consulaires voire de l’envoi de personnel en détachement de courte durée pour épauler certains consulats nationaux souffrant d’un afflux de demandes. La Commission s’intéresse enfin aussi aux opérateurs privés gérant pour le compte de certains EM les visas. Une affaire de corruption dans la délivrance de ces titres avait en effet donné lieu à des remous politiques en Pologne en 2023.

Pour être complet, mentionnons que cette stratégie de la Commission comporte un volet dédié à l’attraction des talents, des chercheurs et des créateurs de valeur économique (travailleurs qualifiés, start-ups…). Bruxelles recommande ainsi aux EM de simplifier les démarches accordant un permis de séjour de longue durée et de résidence dans l’espoir d’attirer ces profils à haute valeur ajoutée – alors que l’économie européenne manque de main d’œuvre très qualifiée et affronte une période de stagnation économique. Ici, il est avancé que l’UE pourrait assister les consulats dans la manière de traiter les demandes de travailleurs qualifiés et d’étudiants afin de rendre le processus plus fluide et rapide. Un mécanisme de visa décennal à entrées multiples est notamment évoqué.

Notons enfin que l’arme des visas n’est pas nouvelle, déjà plusieurs fois évoquée en réponse à des tensions avec des pays tiers – tant par les autorités nationales (et françaises en premier lieu) que par les instances européennes (diplomates russes notamment).

Royaume-Uni : un rapport parlementaire très sévère sur l’hébergement des demandeurs d’asile

La commission des affaires intérieures de la Chambre des communes a rendu un rapport parlementaire consacré à la gestion du système d’hébergement des demandeurs d’asile – une initiative se plaçant dans la suite des évènements d’Epping intervenus cet été. Ce texte, très critique pointe de nombreuses défaillances dans les contrats et la gestion d’ensemble du dispositif ; le tout ayant empêché le pays de faire face à l’afflux de demandes qu’il a subi.

Dans le détail, les députés pointent le coût important du logement en hôtels, qui se chiffrent à environ 15 milliards de livres sterling, soit le triple du montant prévu au départ. Celui-ci était prévu pour être réparti selon plusieurs contrats régionaux de grande envergure, mis en place en 2019 pour une durée de 10 ans. Ainsi, sur les plus de 100 000 demandeurs d’ailes hébergés par le gouvernement britannique, environ un tiers le sont toujours en hôtels. Dès le départ, cette solution impopulaire et peu adaptée aux demandeurs d’asile eux-mêmes était prévue pour n’être activée qu’en solution de secours, lorsque la demande dépassait l’offre dans le système « classique ». De surcroit, une autre critique du rapport concerne le manque de contrôle des autorités sur les prestataires et la non-sanction des manquements constatés. Leurs bénéfices excédentaires liés à ces contrats n’ont pas non plus été recouvrés alors que les performances étaient en deca des objectifs contractuels.

Les parlementaires ont aussi pointé la philosophie globale des autorités, dénonçant le recours aux hôtels comme des « solutions de facilité » au détriment d’autres moyens plus efficients. A ce titre, le Premier ministre (travailliste) Keir Starmer s’est dit déterminé à en finir avec cette situation, voulant « fermer » les établissements de ce type. Selon lui, le Gouvernement (conservateur) précédent est toutefois en partie responsable de ce « désastre ».

Le Luxembourg se dote d’une nouvelle stratégie de réponse aux crises

Dans un contexte mondial marqué par de nombreuses crises, de nombreux pays européens ont mis à jour leurs stratégies de réponses aux crises et de résilience multisectorielles ; dans l’optique d’une aggravation des tensions et des menaces hybrides. La Suède, pionnière avec sa voisine finlandaise de la préparation totale a ainsi choisi d’éditer en novembre 2024 un livret actualisé à destination de sa population. En mars 2025, la Commission européenne avait, elle aussi, publié ses grandes lignes directrices en la matière. Le 13 octobre 2025, cela a été au tour du Grand-Duché de présenter sa déclinaison au travers d’une stratégie nationale de résilience (SNR).

Dans le détail, cette stratégie repose sur huit piliers embrassant un spectre de thématiques larges et transversales ; allant de la résilience de l’économie aux services publics en passant par la défense du territoire luxembourgeois et celui de l’OTAN. Les pistes d’action sont nombreuses et, par exemple, concernent un nouveau système d’information et d’alerte sur téléphone portable ou bien la montée en puissance d’une réserve nationale dédiée aux interventions d’urgence. En parallèle des mesures concrètes, il s’agit aussi de sensibiliser la population – qui n’a, pour moitié, pas la nationalité – et renforcer la coordination entre les divers services impliqués : CGDIS (pompiers), protection civile, armée, Administration des douanes et accises, police, etc. Une attention particulière a été portée à la cyber-résilience, aux contingences logistiques, aux plans de continuité des services publics et à la protection des infrastructures critiques.

A noter le choix d’une approche active, devant impliquer les citoyens et résidents ; ceci par la promotion d’une réserve individuelle de survie, la promotion des canaux d’information fiables en cas de crise aigüe ou encore la formation aux gestes de premiers secours. Enfin, le pays prend en compte une approche résolument otanienne en se définissant comme une « host nation support », tournée vers le soutien des forces alliées en transit sur le territoire luxembourgeois.

La Communauté politique européenne veut mettre en place une coalition pour lutter contre le narcotrafic

La communauté politique européenne (CPE) est une initiative diplomatique crée en 2022 de la volonté du Président Français Emmanuel Macron de rassembler dans un forum de discussion non seulement les pays de l’UE mais aussi les Etats candidats (Ukraine, Moldavie, Albanie, Turquie) ainsi que le Royaume-Uni. Le contexte d’alors, marqué par le déclanchement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie visait à afficher une Europe unie derrière Kiev et offrir un espace de discussions de haut niveau entre les dirigeants de 47 Etats. Si se parler ne fait jamais de mal, le bilan concret de la CPE est cependant questionné par plusieurs observateurs et diplomates d’après Politico. Le court format des réunions de haut-niveau ne permettrait en effet pas d’entrer dans la complexité des sujets. A noter que la CPE s’est tenue à sept reprises depuis sa première édition à Prague et a vu la réunion du 2 octobre 2025 être colocalisée à Copenhague en marge du Conseil européen.

Néanmoins, et malgré ce constat, la réunion de Copenhague a servi de cadre à l’annonce d’une coalition européenne contre les drogues réunissant près de 40 dirigeants à l’initiative de la Première ministre Italienne Giorgia Meloni et d’Emmanuel Macron. Les pistes ayant motivé cette annonce sont diverses mais se rejoignent dans la volonté de lutter plus efficacement contre les réseaux criminels, d’améliorer la coordination, le partage de données opérationnelles et la coopération judiciaire dans l’identification, la saisie et la confiscation des avoirs. Il est aussi mentionné un focus particulier porté à la question des ports – non sans rappeler les initiatives déjà existantes (ici ou notamment) – ainsi qu’une échelle d’action continentale, aussi bien dans l’UE que les Balkans ou le Caucase.

Le Portugal adopte des règles plus strictes concernant la naturalisation

Le Portugal a adopté le 28 octobre 2025 une nouvelle loi durcissant l’accès à la nationalité. Le Gouvernement a pu compter sur le soutien des députés d’extrême-droite pour faire adopter un projet de loi relatif aux naturalisations des étrangers. Le dirigeant du parti Chega se félicite d’ailleurs que « le Portugal entre aujourd’hui dans le groupe des pays européens où il sera plus difficile d’obtenir la nationalité ». La formation politique a notamment obtenu des concessions sur l’une de ses propositions relatives à l’obtention frauduleuse de la nationalité.

Le Gouvernement portugais, bien que reconduit après des législatives anticipées en mai 2025, ne dispose en effet pas d’une majorité absolue au Parlement et doit donc s’allier à d’autres partis pour faire voter des textes. C’est déjà avec le soutien de Chega qu’une autre loi sur la migration avait pu passer en juillet 2025. Pour rappel cette dernière prévoyait une refonte des règles régissant le regroupement familial ou encore la fin des règles plus souples s’appliquant aux immigrés brésiliens. Le Portugal compte aujourd’hui environ 1.5 million d’immigrés sur son sol (ressortissants de l’UE inclus), soit environ 15% de sa population – un chiffre qui a quadruplé depuis 2017.

Allemagne et défense du territoire : entre réponse aux intrusions de drones et volonté de repeupler les casernes

Le Conseil des ministres allemand a adopté le 8 octobre 2025 un projet de loi renforçant les moyens de la police fédérale (Bundespolizei). Dans un contexte marqué par une forte utilisation des forces de l’ordre (contrôles aux frontières, menace de drones, etc…), ce projet de loi est censé apporter des réponses aux évolutions du contexte sécuritaire et renforce significativement l’arsenal pénal. Il permet de moderniser le cadre actuel, vieux de trente ans, et comprend notamment :

  • Une plus grande rapidité des procédures de détention provisoire, que la police pourra demander au tribunal dans le cas d’un étranger tenu de quitter le territoire – et ce afin d’assurer l’effectivité de cette injonction ;
  • Un renforcement des moyens alloués à la lutte contre le trafic d’êtres humains et aux cybermenaces, avec de nouveaux pouvoirs d’enquête comprenant la surveillance préventive des télécommunications. Les compagnies aériennes auront aussi à collecter automatiquement certaines données sur les passagers des vols en provenance de l’extérieur de l’espace Schengen, dans le but de lutter contre les réseaux de passeurs internationaux ;
  • La possibilité d’effectuer des contrôles dans l’espace public sans soupçon préalable de port d’arme prohibée. Les personnes coupables de troubles / violences / actes criminels pourront se voir imposer des interdictions de séjour temporaires et des obligations de déclaration ;
  • Une vérification plus poussée des antécédents des candidats à l’intégration de la police.

Mais le plus gros morceau, dicté en partie par l’actualité, reste la défense contre les drones – dont le cadre juridique sera clarifié. La police fédérale verra ainsi une unité être crée en son sein et pourra abattre plus facilement les appareils intrus, en les brouillant par exemple. L’armée (Bundeswehr) pourra aussi prêter assistance plus facilement pour certaines menaces (localisation de drones militaires en altitude). Aussi, les forces de l’ordre pourront utiliser leurs propres drones pour effectuer des tâches de surveillance ou de reconnaissance lors de grands évènements ou pour sécuriser des infrastructures critiques. 90 millions d’euros et 341 employés supplémentaires sont prévus à cette fin.

Sur un sujet connexe, lié à la remontée en puissance des forces armées (Bundeswehr), le ministère allemand de la Défense a suspendu la reconversion de 13 emprises encore militaires à des fins civiles – et ce, en raison des besoins accrus des forces armées en personnel et en matériel. En clair, ces bâtiments continueront d’être pleinement exploitées par l’armée. 187 autres implantations, ex-casernes mais toujours propriétés de l’Etat allemand, seront affectées à une réserve immobilière stratégique mobilisable rapidement en cas de besoin / d’urgence. Disséminés sur l’ensemble du territoire, on en trouve par exemple plusieurs en Bavière, en Rhénanie, dans le Schleswig-Holstein ou encore l’aéroport désaffecté de Berlin-Tegel.

A noter que la politique de reconversion des emprises militaires a commencé avec la fin de la Guerre froide, alors que le pays accueillait un nombre de militaires (nationaux et étrangers) très élevé – en RFA comme en RDA. Elle s’est ensuite poursuivie après la suppression du service militaire en 2011, qui a entrainé de moindres besoins en logement. Ironie de l’histoire, ledit service militaire – volontaire – sera réinstauré dans les prochaines années. Néanmoins, les bâtiments ne sont, pour beaucoup, pas restés à l’abandon et ont profité aux communes pour leur reconversion en logements, commerces ou centre d’accueil pour migrants. Ces dernières avaient ainsi déjà prévues d’utiliser ces sites considérés comme déclassés pour leur propres besoins – posant la question de la cohabitation des projets.

Dans le reste de l’actualité européenne :

Contre-terrorisme

Le coordinateur de l’UE pour le lutte contre le terrorisme, Bartjan Wegter, s’est exprimé en faveur d’un meilleur accès des services de police aux messages cryptés (type WhatsApp) afin de contrer les menaces pesant sur la sécurité européenne. Accéder à ces messages chiffrés de bout en bout – mais aussi à certaines métadonnées comme le lieu où l’heure – pourrait faciliter le travail des enquêteurs. Un rapport d’Europol de décembre 2024 avait en effet pointé des exemples de facilitation d’activités terroristes par le biais de telles messageries. M. Wegter plaide en outre pour des règles européennes uniformes sur la conservation des données, afin notamment d’établir une durée minimale de conservation. Néanmoins, certains groupes de défense des libertés soulignent les atteintes à la vie privée et à la sécurité des données personnelles qui pourrait résulter d’une telle possibilité. Les entreprises technologiques se sont elles aussi, par le passé, opposées à toute tentative visant à affaiblir leur modèle de chiffrement.

Conseil de l’Europe

L’assemblée parlementaire du CoE a adopté le 3 octobre 2025 une résolution consacrée à l’utilisation de l’IA dans la gestion des migrations. Si elle souligne les bénéfices des technologies d’intelligence artificielle (traduction, appui au sauvetage, soutien à l’intégration, etc.) elle souligne aussi les risques et appelle les EM à ratifier la convention-cadre sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit – qui vise notamment à interdire le recours à une IA qui violerait le droit de demander asile. Sont visées aussi les technologies qui faciliteraient le refoulement aux frontières ou qui supprimeraient tout contrôle humain dans le parcours migratoire. Rappelons que les recommandations du CoE ne sont pas juridiquement contraignantes.

A noter que cette résolution complète le Protocole de la Valette, ouvert à la signature des EM en septembre 2025 dans la capitale maltaise. Celui-ci veut encourager l’adoption de règles commune dans les usages numériques visant à lutter contre la criminalité transnationale. Se donnant pour volonté d’apporter des garde-fous, il se base notamment sur la jurisprudence de la CEDH et vise à encadrer par exemple la reconnaissance faciale, respecter la vie privée et la proportionnalité des mesures mises en place, etc. Il complète aussi le mandat d’arrêt européen, applicable uniquement dans l’UE et non envers tous les EM du CoE. Il n’est, lui non plus, pas juridiquement contraignant.

Allemagne

Le mois d’octobre 2025 a été marqué par une polémique d’autour des termes utilisés par le chancelier (CDU) Friedrich Merz dans le contexte plus large des problématiques liées à la gestion des migrations. Le Chancelier a en effet affirmé que les problèmes liés à l’immigration persisteraient « dans le paysage urbain » (« Stadtbild »). Selon lui, cela peut se référer à des phénomènes comme de jeunes migrants irréguliers ou des femmes voilées. Très rapidement, un fort mouvement de contestation est venu des rangs de la gauche et d’une partie des conservateurs. Les principales critiques portant sur le flou des termes employés, leur manque de nuance et le fait qu’ils reprennent certains des thèmes-fétiches du parti AfD, en regain de popularité dans les sondages.

En réponse, un débat plus large s’est organisé sur la sécurité dans l’espace urbain. Des lettres ouvertes, notamment de femmes, ont été publiées afin de mettre l’accent sur la sécurité des femmes dans le rue et ne pas « utiliser un prétexte facile pour justifier des discours racistes ».

Code des douanes

Un rapport de la Commission du 2 octobre 2025 révèle que la mise en place de la dernière mouture du Code des douanes de l’Union souffre de retards dans certains Etats, et ce alors que la phase d’implémentation des mesures est censée s’achever fin 2025. Pour autant, l’institution pointe un satisfecit global, notamment dans les systèmes de gestion des garanties, ceux du contrôle des importations ou encore du transit informatisé. La Commission appelle en conséquence les EM et les autres parties prenantes à poursuivre et intensifier les efforts afin de limiter les retards dans le déploiement des systèmes numériques et donc les surcoûts.

Belgique

Dans une lettre publiée anonymement le 27 octobre 2025, une juge d’instruction anversoise alerte sur le fait que la Belgique devient un « narco-Etat », faisant face à une montée en puissance des réseaux criminels et des trafiquants de drogue. Elle y explique notamment son expérience à la tête de dossiers ayant abouti à l’arrestation de fonctionnaires, d’employés du port d’Anvers (le plus grand du pays, d’une superficie supérieure à Paris intra-muros) et même de membres des forces de l’ordre. Selon cette juge, les principaux signes d’un narco-Etat sont désormais réunis : économie parallèle dotée de réseaux de blanchiment brassant des milliards d’euros, corruption d’agents publics et actes de violence dans l’espace public. En outre, les juges sont l’objet d’intimidations et la conduite des affaires est, en conséquence, rendue plus délicate.

Au rang des solutions, la magistrate préconise la mise en place de l’anonymat dans les dossiers, une assurance contre la dégradation des biens des juges pris pour cible ainsi que des mesures plus fortes pur lutter contre les communications entre criminels en prison, notamment via des messageries cryptées.

Cette situation n’est pas nouvelle alors que des villes comme Bruxelles font face à une recrudescence de faits criminels et délictuels sur fond de réforme des polices (voire la note du CRSI), et alors que l’idée de déployer l’armée aux côtés de la police a été mise sur la table.